Le ton se durcit un peu plus dans la bataille pour les régionales en Paca, avec le dépôt d'une requête d'élus LR visant le candidat d'extrême droite Thierry Mariani. Le candidat du RN ne bénéficierait pas "d’un domicile réel" à Avignon, où il déclare habiter un studio.
C'est la réponse du berger à la bergère dans le combat politico-judiciaire qui anime ces élections régionales en Paca entre les têtes de liste LR et RN, au coude-à-coude selon notre sondage.
D'une part, le candidat sortant LR Renaud Muselier visé par des tweets du chef de file du Rassemblement national, affirmant sur la base d'un constat d'huissier que Renaud Muselier avait embauché "en cinq ans à la tête de la région plus de personnes à son cabinet que pour la sécurité des transports".
D'autre part, un article du Canard enchaîné affirmant sur la foi du sérieux de l'enquête que le candidat du RN ne bénéficie pas "d’un domicile réel" dans le chef-lieu du Vaucluse. Il n'en fallait pas plus pour que la droite sortante s'en saisisse.
Sur la requête déposée devant le tribunal judiciaire de la ville figurent cinq Avignonnais. Comme le souligne Le Monde dans son édition du 9 juin, trois sont des soutiens affichés du candidat Renaud Muselier.
Il s'agit du conseiller régional Les Républicains (LR) Michel Bissière, délégué chargé de la culture et de deux adhérents LR, Michel Rabemahefa et Serge Perramond, membres du comité de la 1re circonscription de Vaucluse.
"Sans équivoque", la requête est portée par Sébastien Vicquenault et Xavier Cachard, "l’avocat historique du président (LR) de PACA, Renaud Muselier", précise le journal.
Un bail et une "curieuse" taxe d'habitation
A l'origine de cette requête – que nous avons pu consulter - figure donc les révélations du Canard enchaîné du 2 juin. Selon l’hebdomadaire, Thierry Mariani a produit le bail d'une location meublée datée du 20 janvier à Avignon pour s’inscrire en 2020 sur les listes électorales.
L'appartement appartient à l'une des figures locales du RN, "dans un fond d'arrière-cour", selon Me Cachard. Contacté à deux reprises par le Canard enchaîné, le candidat RN reconnaît qu'il fréquente peu le studio litigieux. "Je n'y passe pas ma vie, c'est vrai, mais j'y ai dormi quelquefois".
Thierry Mariani a également fourni dans le même temps un avis de taxe d'habitation pour l'année 2020 établie à sa demande par le service des impôts. "Chose pour le moins curieuse", dénonce Xavier Cachard. "Si comme l'affirme le Canard Enchaîné le bail est daté du 20 janvier, comment pouvez-vous produire une taxe redevable au 1er janvier de l'année d'occupation ? Soit il s'agit d'un abus de droit, soit un détournement de la loi".
Pas de quoi établir donc comme le précise l'article 11 –I du Code électoral concernant l'inscription sur la liste électorale qu'il s'agit bien du domicile réel de Thierry Mariani et qu'il y habite depuis six mois au mois, assurent les deux avocats.
Mais qui a vu Thierry Mariani ?
Pour cela, ils s'appuient sur les investigations des journalistes du Canard. A l'adresse du studio et dans le quartier, personne se souvient avoir vu Thierry Mariani. "Volets fermés, aucun nom sur la sonnette, pas le moindre voisin dans la rue capable de se souvenir d'avoir un jour croisé ici Thierry Mariani", indique l'hebdomadaire.
Mes Vicquenault et Cachard produisent également un constat d'huissier établi à la demande des requérants. Selon ces constatations au 39 bis, le studio de Thierry Mariani serait en fait loué en location saisonnière, comme les logements de deux autres immeubles contigus par la société MY-PAD, spécialisée dans la location de courte durée.
A l'entrée de l'immeuble, note l'huissier, figure un clavier numérique sur lequel une étiquette mentionne "MY-PAD – FLOWER PAD". "FLOWER –PAD" est le nom du studio à cette adresse, affirme la requête.
Une adresse parisienne établie selon la requête
Enfin, "de toute évidence, le domicile réel de Monsieur Thierry Mariani est situé à Paris", indiquent Mes Vicquenault et Cachard. "Le requis est en effet propriétaire d'un appartement situé (…) dans le 17e arrondissement de Paris", assurent-ils.
Pour preuve, ils produisent le passeport de Thierry Mariani où figure bien cette adresse et indiquent "que Monsieur Mariani dispose d'un téléphone fixe à cette adresse".
"J'ai aussi fait faire un constat d'huissier où il est établi que la concierge de son domicile parisien confirme croiser régulièrement son épouse et assez régulièrement Monsieur Mariani", indique Me Cachard.
Thierry Mariani se dit "absolument tranquille", rapporte Le Monde. "J’occupe cet appartement, je suis inscrit sur les listes électorales d’Avignon depuis janvier 2020".
Rien de plus qu'une "opération de diversion"
Sollicité mercredi matin, le candidat RN n'a pas souhaité en déclarer davantage et préfère laisser son porte-parole commenter "une opération de diversion".
"C'est un grand classique de campagne, cette requête n'a aucune chance d'aboutir", a indique Franck Allisio.
Et il vaudrait mieux pour le candidat à la tête de la région Paca : si Thierry Mariani venait à être radié, une fois les voies de recours purgées, se poserait la question d'inéligibilité et d'annulation de l'élection.
La jurisprudence considère qu'une tête de liste "a une vraie influence" sur l'issue d'un vote. Auquel cas, aussi fracassante pour la droite d'une victoire du RN en Paca, l'annulation de l'élection ne manquera pas d'animer les débats.