C'est une découverte scientifique majeure. Pour la première fois, des essais cliniques menés dans le service des maladies infectieuses de l’hôpital d’Orléans ont permis de mettre au point un traitement "allégé" qui pourrait remplacer la trithérapie.
 

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Passer de la trithérapie à la bithérapie, soit recevoir deux antirétroviraux au lieu de trois actuellement, ce sera bientôt possible pour les patients atteints du VIH. Le service des maladies infectieuses et tropicales du CHR d’Orléans s’apprête à rendre les conclusions d’un essai clinique en ce sens. "On s’est rendu compte qu’on avait des patients sous trithérapie qui avaient des effets secondaires insupportables. Pour qu’ils tolèrent mieux le traitement, certains ont reçu un seul médicament et ont eu une charge virale indétectable" explique le Dr Thierry Prazuck, chef du service des maladies infectieuses et tropicales du CHR d'Orléans.

Ce médicament n’est pas nouveau. Il s’agit du Truvada, un antirétroviral composé de deux molécules (l’emtricitabine et le ténofovir) et qui est déjà présent dans la composition des trithérapies. Depuis 2016, il est également utilisé dans le dispositif PrEP (prophylaxie pré-exposition) qui permet de réduire significativement les risques de contamination des personnes séronégatives ayant des rapports à risque avec des personnes séropositives. 
Il s'agit d'un traitement préventif à ne pas confondre avec le TPE (traitement post exposition).

"Certains de nos patients prennent uniquement du Truvada depuis plus de 10 ans, donc on s’est dit que ça pouvait marcher et qu’on pourrait peut-être le généraliser" détaille le Dr Prazuck. Un essai clinique a donc été lancé et a confirmé l’intuition des chercheurs. "Les résultats à un an montrent une équivalence du traitement par Truvada par rapport à la poursuite du traitement habituel par trithérapie."

Pour la première fois au monde, on a démontré que l’utilisation du Truvada seul, qui est une bithérapie qu’on connaît bien, est efficace pour maintenir le contrôle virologique.


Plusieurs autres essais cliniques sont en cours afin de mettre au point des bithérapies, mais en utilisant des molécules nouvelles. La stratégie du Dr Prazuck elle, consiste simplement à alléger le traitement déjà existant. "Les effets secondaires avec le Truvada, on les connaît puisque c’est une des molécules que l’on utilise depuis le plus longtemps. Contrairement aux associations actuelles, sur lesquelles on a très peu de recul."

"On allège le traitement des patients qui n’ont pas besoin d’un traitement aussi lourd. Si on peut avoir un traitement plus léger et aussi efficace c’est mieux pour les patients qui vont le prendre toute leur vie."

Les bénéfices pour les personnes atteintes du virus du sida sont considérables. Moins de molécules signifie donc moins d’effets secondaires mais aussi moins d’interactions médicamenteuses. "Les patients qui ont le VIH ont pour certains plus de 50 ans et vivent avec d’autres pathologies comme le diabète etc. Donc les interactions médicamenteuses c’est important."

Mais ce traitement ne s’adresse pas à toutes les personnes contaminées par le VIH. "Ce sont des patients qui ne sont pas à un stade très avancé de la maladie et qui ont été dépistés assez tôt" explique le Dr Prazuck, qui précise par ailleurs qu’une personne séropositive continuera toujours à être placée sous trithérapie. Ce n’est qu’au bout d’une année que le traitement pourra être "allégé" en fonction des résultats de ses analyses virologiques.


Un traitement 4 fois moins cher que la trithérapie

Une révolution pour les patients mais aussi pour la santé publique. Depuis juillet 2017, les brevets européens du Truvada, fabriqué par le laboratoire américain Gilead, ont expiré, permettant la fabrication par la concurrence d’équivalents génériques.

Et les effets secondaires sur les finances publiques sont, cette fois, très positifs. "Le coût de cette bithérapie efficace est 4 fois moins cher que le traitement habituel" estime le Dr Prazuck. "Une trithérapie coute entre 7000 et 10 000 euros par an. Le traitement par Truvada coute seulement 2000 euros par an". Selon le docteur, cette stratégie permettrait  donc d’économiser entre 130 et 200 millions d’euros sur la facture du VIH en France chaque année. "Il est mieux d’utiliser l’argent public là où il y en a besoin. Et on a encore beaucoup de progrès à faire dans tout un tas de maladies qui nécessitent un financement substantiel".

Actuellement invité au Congrès européen sur le sida à Bâle en Suisse, le Dr Thierry Prazuck s’apprête à révéler sa découverte à la communauté internationale des chercheurs. Les conclusions de cet essai seront prochainement publiées et les experts de la Haute Autorité de Santé devront ensuite rendre un avis favorable pour que ces recommandations soient intégrées dans le guide de bon usage des antirétroviraux en France.

 



 
Le service des maladies infectieuses et tropicales du CHRO d’Orléans à la pointe de la recherche sur le Sida
Dirigé par le virologue Thierry Prazuck, le service des maladies infectieuses du CHRO suit actuellement 1000 patients atteints du VIH,  et est à l’origine de plusieurs travaux qui ont permis des avancées considérables dans le dépistage et le traitement de la maladie.

Des essais cliniques menés à partir de 2003 ont permis de révéler la capacité de certains patients à contenir naturellement leur infection, même après l’arrêt de tout traitement, lorsque ces derniers avaient été rapidement mis sous antirétroviraux.

En 2015, les autotests VIH, qui permettent à chacun de savoir s'il est infecté par le virus du sida, sont arrivés dans les pharmacies françaises. Des tests là encore développés par les docteurs Prazuck et Hoqueloux du CHR orléanais.
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