La maladie de Lyme est-elle notoirement sous-évaluée en France ? Alors que le gouvernement vient d'annoncer un plan national d'action, la controverse s'est invitée vendredi à la cour d'appel de Colmar, où deux professionnels de santé étaient rejugés pour avoir utilisé des méthodes alternatives.
Le parquet a requis la confirmation de la peine infligée en première instance, soit neuf mois de prison avec sursis, contre Viviane Schaller, ancienne gérante d'un laboratoire d'analyses biologiques, et Bernard Christophe, qui fabriquait un remède à base d'huiles essentielles pour soigner cette maladie potentiellement invalidante, transmise par les tiques.
Le parquet a requis la confirmation de la peine infligée en première instance, soit neuf mois de prison avec sursis, contre Viviane Schaller, ancienne gérante d'un laboratoire d'analyses biologiques, et Bernard Christophe, qui fabriquait un remède à base d'huiles essentielles pour soigner cette maladie potentiellement invalidante, transmise par les tiques.
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©France 3 Alsace
Cette femme de 68 ans poursuivie pour "escroquerie", car elle faisait prendre en charge par l'assurance maladie des tests qui n'auraient pas dû être remboursés, affirme que les protocoles officiels ne permettent de détecter qu'une très faible proportion des cas de Lyme, qui peut provoquer douleurs persistantes et paralysies, et ont fait appel.
Le parquet a aussi demandé qu'elle soit contrainte de rembourser à la sécurité sociale les sommes indûment remboursées, soit 280.000 euros. Son coprévenu, Bernard Christophe, 67 ans, diplômé en pharmacie comme elle, est accusé d'avoir fabriqué et commercialisé hors cadre réglementaire un remède à base d'huiles essentielles baptisé "Tic Tox".
Soutenus par des milliers de patients en colère, les prévenus, qui dénoncent le "déni" de la maladie de Lyme par les pouvoirs publics, s'estiment confortés par les récentes annonces du gouvernement en la matière. Evoquant le "sentiment d'abandon et l'errance thérapeutique auxquels sont confrontés" les malades, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, vient en effet de présenter un "plan national" pour améliorer la prise en charge de la maladie, notamment autour du développement de nouveaux tests de diagnostic.
"Plus personne ne peut dire que les tests actuels sont fiables", a rebondi vendredi l'avocat de Mme Schaller, Me Julien Fouray, "sinon pourquoi la ministre aurait-elle fait une telle annonce?"
"Une secte"-
Dans une cour d'appel où les malades étaient venus en nombre, les échanges, denses et techniques, ont tourné au débat scientifique virulent. Trois médecins parmi les principaux spécialistes français de la maladie de Lyme sont venus fustiger la thèse avancée par les "rebelles", celle d'une affection capable de s'installer dans une forme chronique, donc difficilement détectable par les tests biologiques.
"Ca n'existe pas ! Cette idée relève de l'obscurantisme le plus complet et d'une défiance par rapport à la science", s'est emporté le Dr Pierre Kieffer, du CHU de Mulhouse. Le mouvement de colère des patients? "C'est devenu une secte, menée par des espèces de gourous", a-t-il conclu sous les huées des dizaines de malades.
Dans le camp d'en face, le Pr Christian Perronne, infectiologue à Garches, a évoqué à la barre un "vrai problème de diagnostic". "La littérature scientifique établit que les tests ne sont pas très fiables", a soutenu ce spécialiste, qui avec une centaine de confrères a signé cet été dans L'Obs un appel pour le développement de nouveaux tests. Il y a "beaucoup de malades en errance et en grande souffrance", a-t-il ajouté.
Loin des batailles de spécialistes, une malade de 71 ans est venue témoigner des bienfaits que lui avait procurés le Tic Tox, et vanter les mérite d'un prévenu qu'elle considère comme un un "lanceur d'alerte". "Un lanceur d'alerte qui fait 50% de son chiffre d'affaires avec ce produit?", a ironisé la présidente, Catherine Lathelier-Lombard.
Pour le représentant du parquet, Christophe Mira, les infractions reprochées aux prévenus sont constituées, quelle que soit la vérité scientifique. Face à la controverse, "je suis incapable de dire qui a tort et qui a raison, et ce n'est pas le débat", a-t-il souligné. Les prévenus se présentent comme des "chevaliers blancs, mais on devrait plutôt dire des apprentis sorciers", a ajouté le magistrat. La Cour rendra son arrêt le 14 décembre.