L'ex-ministre des Personnes âgées Michèle Delaunay a témoigné ce vendredi lors du procès
de Nicolas Bonnemaison à Pau. elle a estimé qu'en matière d'accompagnement de fin de vie, aussi bonne soit une loi, "il y aura toujours un interstice pour la conscience" et la "décision solitaire" du médecin.
"Il y aura toujours un interstice libre pour la conscience (...) des interstices que nous ne comblerons jamais par la loi", a déclaré la cancérologue retraitée, ministre de 2012 à 2014. La défense du docteur Bonnemaison l'avait cité devant la Cour d'assises des Pyrénées-Atlantiques.
A 67 ans, elle a livré un témoignage fin et humble.
"Qui suis-je pour juger?"
Elle a tenté d'éclairer le contexte d'accompagnement d'extrême fin de vie auquel des médecins sont régulièrement confrontés, et ce que pourrait faire la loi pour encadrer.
La fin de vie est-elle codifiable? lui a demandé le président. "Le législateur ne peut pas s'en absoudre et doit baliser le maximum de possibilités", a répondu l'ex-ministre. Elle s'est par ailleurs dite "favorable à élargir des espaces" dans la Loi Léonetti qui interdit déjà l'acharnement thérapeutique et ouvre un droit au laisser mourir. "Mais il (le législateur) ne pourra jamais en couvrir tous les aspects."
Face à l'extrême fin de vie "il y a toujours une décision solitaire" du médecin, parfois d'un proche.
"Cette marge donnée à la conscience, elle nous concerne tous. Faut-il totalement chercher à l'éradiquer ? Je n'ai pas de certitude absolue"
Nicolas Bonnemaison comparaît depuis le 11 juin pour avoir abrégé la vie de sept patients âgés très malades en leur administrant hors protocole des médicaments ayant entraîné leur mort. Il encourt la réclusion à perpétuité.
Mme Delaunay a déclaré qu'a son avis "ce procès n'est pas en réalité dans le domaine de l'euthanasie, il est dans le domaine de l'accompagnement de fin de vie, de la sédation terminale".
Elle s'est enfin insurgée contre le fait que sur 90.000 personnes par an mourant en Ehpad (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), 25% sont envoyées pour leurs dernières heures aux urgences, selon l'Observatoire national de la fin de vie.
Les urgences "ne sont pas le lieu idéal d'une mort sereine ou accompagnée", et les urgentistes "ne sont pas faits pour accompagner une fin de vie anticipable", a-t-elle déploré, plaidant pour la mise en place "d'une culture de soins palliatifs en Ehpad".