Pour la première fois en Europe, un hôpital transfrontalier a ouvert ses portes, au coeur des Pyrénées. Les soignants y parlent catalan, espagnol ou français et espèrent offrir "le meilleur" de la médecine des deux pays à des montagnards jusqu'alors isolés.
Ce tout nouvel "Hôpital de Cerdagne" se situe côté espagnol, à 1200 mètres d'altitude, un peu à l'écart de la ville catalane de Puigcerdà, qui jouxte elle-même le village français de Bourg-Madame.
"Le premier bébé né ici, le 21 septembre, était français. Le second, espagnol. Et la toute première intervention chirurgicale a été pratiquée sur une patiente française", raconte le chef des urgences, Iñigo Soteras, un médecin espagnol de 41 ans.
A l'entrée de ce tout nouvel établissement, quatre drapeaux s'alignent : ceux de l'Espagne, de la Catalogne, de la France et de l'Union européenne. Quatre communautés alliées dans la conception de cet hôpital "pionnier".
L'hôpital recrute
Sa vocation est d'accueillir en priorité les 32.000 habitants de la vallée de la Cerdagne, de part et d'autre de la frontière.
Il se doit donc d'employer des "équipes de cultures française et catalane en capacité de s'adresser dans leur langue aux patients des deux pays", a souligné l'agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon.
A Puigcerdà, les 150 personnels de l'ancien hôpital ont donc dû suivre des cours de français avant d'intégrer le nouveau."Et nous sommes en plein recrutement d'aide-soignants, d'infirmiers, de techniciens de laboratoire et de médecins français", annonce la directrice générale adjointe de l'hôpital, la Française Manon Marrel.
Dans les vastes couloirs flambant neufs, on pratique la "gymnastique des langues".
"Avec mes collègues espagnoles, on s'apprend mutuellement comment dire piqure ou sonnette", dit Mathilde Iguna, 23 ans, l'une deux infirmières françaises tout juste embauchées.
Le meilleur des pratiques médicales des deux pays
L'ambition affichée est d'offrir "le meilleur" des pratiques médicales espagnoles et françaises. Le chef de médecine interne, Enric Subirats, en sourit. "Il n'y a pas de grandes différences entre les médecines des deux pays et nous combinons nos cultures sanitaires de façon facile et agréable", dit, en français, ce médecin catalan.
"En fait, nous choisissons à chaque fois la pratique la plus prudente. Par exemple, dans le suivi de la grossesse, en France, il y a une analyse de toxoplasmose en plus, et en Espagne, une échographie en plus: ici, on a donc décidé de faire les deux."
Pour lui, les problèmes cruciaux ont été avant tout administratifs.
"Quand une personne meurt à l'étranger, on doit la transférer vers son pays. Cela coûte cher et c'est compliqué, même quand il s'agit de parcourir 500 mètres entre deux localités frontalières", dit-il, à l'attention des législateurs...
Soins haut de gamme en pleine montagne
Dans une région aux petites routes sinueuses, parfois rendues impraticables par la neige ou des éboulis, "disposer d'un tel hôpital au milieu des montagnes est une grande chance, un luxe", s'enthousiasme la dirigeante française du service infirmier, Marie Gauthier, elle-même native des Pyrénées.
La présence de l'hôpital rassure désormais à la ronde, avec son bloc opératoire, ses équipements perfectionnés et son héliport sur le toit.
"On vivait un peu en sursis, avant", témoigne cette "vraie montagnarde" de 50 ans. "Quand il arrivait quelque chose de vraiment grave, le Samupouvait mettre un certain temps à venir et les hélicoptères partaient de Perpignan. J'avais vécu cette angoisse quand ma mère avait fait un infarctus, dans son village" pyrénéen.
L'établissement entend aussi devenir un "hôpital de référence en médecine du sport de montagne", capable de soigner au mieux les skieurs ou les randonneurs accidentés, au moment où les touristes étrangers affluent vers les treize stations de ski de la zone.
Il y a plus de dix ans, quand un tel établissement avait été imaginé, "ce n'était pas encore la crise... C'est pour ça que c'est magnifique aujourd'hui", déclare une employée catalane. Les 31 millions d'euros de la facture totale ont été payés à 65% par l'Europe, le reste par la Catalogne et la France.