Il y a environ 500.000 ans, en Asie, un homme gravait un zigzag sur un coquillage d'eau douce, ont découvert des chercheurs qui soulignent que cela en fait "la plus ancienne représentation géométrique" connue à ce jour.
L'auteur de cette sorte de graffiti préhistorique est un Homo erectus ("Homme debout"), qui a occupé le site de Trinil, sur le bord du fleuve Solo, sur l'île de Java.
Il s'agit de la plus ancienne expression graphique connue
a indiqué l'archéologue Francisco d'Errico, co-auteur de l'étude publiée mercredi dans la revue britannique Nature.
assure ce scientifique du CNRS/Université de Bordeaux.C'est un comportement délibéré. L'homme a eu la volonté de faire un zigzag d'unseul coup
"Nous ne savons pas pourquoi il l'a fait. Cela pouvait être une marque de propriété, un code personnel, un cadeau", avance-t-il. "Les gravures géométriques sont généralement considérées comme le signe de capacités cognitives modernes", relève l'équipe de chercheurs menée par Josephine Joordens, de l'Université de Leiden aux Pays-Bas.
Le zigzag a été pratiqué avec un outil pointu quand le coquillage, encore frais, était couvert d'une fine couche de matière organique (périostracum). Ce procédé a permis de faire ressortir la gravure, les traits apparaissant blancs sur un fond brun foncé. Depuis cette couche a disparu mais le zigzag est encore bien visible en lumière rasante.
La découverte de ce coquillage gravé constitue une surprise car les gravures les plus anciennes connues jusqu'à présent sont plus jeunes d'au moins 300.000 ans
soulignent les chercheurs.
"Toutefois nous n'utilisons pas le terme d'"art" ou de "symbolisme" comme cela a pu être fait pour des gravures relativement comparables mais souvent plus complexes découvertes en Afrique du Sud et qui ont été réalisées par l'Homme moderne il y a 100.000 ans", précise l'archéologue Wil Roebroeks.
L'art d'ouvrir les moules
Les scientifiques ont réexaminé avec les techniques modernes une série de coquillages trouvés à Trinil à la fin du XIXè siècle et conservés au musée d'histoire naturelle de Leiden.Ils font partie de la collection de l'anatomiste néerlandais Eugène Dubois, qui a découvert sur ce site en 1891 des ossements d'hominidés qui lui ont permis de définir le "Pithécanthrope".
Il croyait avoir découvert le "chaînon manquant" entre le singe et l'homme, hypothèse balayée par la suite. L'Homme ne descend pas du singe même si il a des ancêtres communs avec lui.
Depuis les scientifiques ont intégré "l'Homme de Java" dans la famille des Homo erectus, venus d'Afrique et dont on a retrouvé la trace de présence en Asie et en Europe.
D'une taille voisine à la nôtre, l'Homo erectus, à l'arcade sourcilière proéminente, est apparu il y a environ 1,9 million d'années et a disparu il y a environ 150.000 ans.
Sa capacité crânienne était déjà importante (900 à 1.200 cm3). Capable de réaliser des outils biface, c'est le premier homme à avoir réussi à domestiquer le feu.
Les chercheurs ont découvert que les Homo erectus de Java se déplaçaient le long de cours d'eau pour collecter de grandes moules d'eau douce appartenant à l'espèce Pseudodon.
Ils avaient inventé une technique astucieuse pour les ouvrir. Avec un outil pointu du genre dent de requin, ils perforaient la moule au niveau de l'insertion du muscle adducteur antérieur, qui maintient le coquillage fermé. Cela provoquait l'ouverture immédiate de ce dernier et l'Homme de Java pouvait se régaler.
"On savait déjà qu'Homo erectus fabriquait de beaux bifaces. Là, on a montré qu'il avait une façon sophistiquée d'ouvrir les coquillages et qu'il gravait des zigzags. Cela pourrait contribuer à donner une image un peu plus "subtile" de lui", souligne Wil Roebroeks.
La datation par deux méthodes indépendantes du sédiment contenu dans les coquillages a donné un âge d'environ 540.000 ans à ce gisement. Il serait de 400.000 ans plus récent que ce qui était admis jusqu'à présent.