Le 18 novembre dernier, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'homologation du plan social. L'entreprise Koyo-Bearings doit indemniser ses ex-employés. Ou les réintégrer...
C'est l'une des dispositions de la Loi de reconquête de l'économie réelle, dite loi Florange, qui elle vise à favoriser la reprise de site rentable : les entreprises ont maintenant l'obligation de prévenir les représentants du personnel avant la fermeture d'une usine; elles doivent aussi donner les raisons de la fermeture et rechercher activement un repreneur. "L'entreprise Koyo-Bearings nous a dit qu'elle n'était pas concernée par ce texte parce qu'il s'agissait selon elle d'un simple transfert d'activité, ce qui était faux" tempête Me Brand. L'avocate des salariés de l'usine de Moult a donc saisi le tribunal administratif d'Orléans (le siège social de la société étant situé à Vierzon dans le Cher) pour contester l'homologation du Plan Social de l'Emploi par les services de l'état.
L'usine a été vidée, mais les salariés demandent leur réintégration.
La justice lui a donné raison : l'entreprise n'ayant pas respecté les dispositions de la loi, le tribunal a estimé que le plan social n'aurait pas du être homologué par les services de l'état. "Il n'y a pas d'autre voie de recours qu'une indemnisation ou une réintégration. Les salariés de Moult ne veulent pas d'argent, il veulent du travail. Ils vont donc demander leur réintégration" annonce l'avocate.
L'usine Koyo-Bearings employait une soixantaine de personnes. Jusqu'au printemps dernier, elle fournissait des pièces pour l'industrie aéronautique, en particulier pour Dassault : les "roulements à aiguile" confectionnés à Moult équipait le Rafale. Le travail ne manquait pas. En 2014, quand l'annonce de la fermeture était tombée, le représentant du personnel témoignait de son incompréhension au micro de France 3 Basse-Normandie : "Notre carnet de commande est bien fourni. On a même du embaucher une dizaine d'intérimaires pour répondre à la demande".
Koyo-Bearings justifiait le transfert de l'activité à Vierzon en insistant sur le manque de compétitivité du site. Or, un rapport commandé par le CHSCT a conclu que l'usine pouvait être rentable moyennant un investissement compris entre 700 000 et 800 000 euros. "Vous vous rendez compte. Cela représente 10% de la somme consacrée au plan social, et ils préfèrent quand même fermer l'usine" tonne Me Brand. "On avait des salariés extrêmement compétents. Il fallait simplement moderniser l'usine. Et que pèsent ces 800 000 euros pour un groupe qui emploie 30 000 personnes dans le monde ?"
Aujourd'hui, il reste que la demande de réintégration des salariés va se heurter à un problème matériel. Les machines ont déjà déménagé, et le démantèlement de l'usine est en cours. "C'est bien là le scandale, conclue Me Brand. On a démonté l'usine sans attendre la décision de justice. C'est quand même fou..."
Reportage de Laurent Marvyle et Franck Bodereau
Intervenants:
- Eric Maillefer, délégué syndical CGT
- Arnaud Touchard, secrétaire du CHSCT
- Solange Leclerc, secrétaire du CE