Le 16 octobre 1984, il y a 30 ans, le corps de Grégory Villemin était découvert dans la Vologne

30 après le meurtre du garçonnet dans les Vosges, l'affaire est toujours instruite par les magistrats de la cour d'appel de Dijon. Des comparaisons ADN entre des empreintes isolées sur des scellés et des protagonistes de l'affaire se terminent. Retour sur cette saga médiatico-judiciaire.

Un naufrage judiciaire et médiatique

Certains la nomment l'affaire du siècle. Trente ans après la funèbre découverte dans les eaux froides de la Vologne du cadavre de Grégory Villemin, on ne connaît toujours pas l'identité du ou des meurtriers du petit garçon de 4 ans. Toujours en cours, l'enquête n'a jamais permis de lever le mystère sur l'un des plus spectaculaires naufrages judiciaires et médiatiques du XXe siècle. « Cette affaire, ça a d'abord été du n'importe quoi, en tout cas pas de la justice, avec une pression médiatique d'une violence terrifiante qui inspire l'écœurement », a déclaré à l'AFP en ce triste anniversaire Me Thierry Moser, l'avocat de Christine et Jean-Marie Villemin, les parents de la petite victime,. Les errances de l'enquête et l'hystérie journalistique ont nui à la manifestation de la vérité.

 

Le reportage d’Elsa Bezin, Romain Liboz et Rachel Nectoux avec :

  • Des images de France 3 Bourgogne, fevrier 1993
  • Maitre Henri Garaud, avocat de la défense, février 1993
  • Maitre Thierry Moser , avocat des époux Villemin, juin 2000
  • Maitre Thierry Moser, avocat des époux Villemin
  • Jean Jacques Bosc, procureur général près la Cour d'appel de Dijon

Un mystérieux corbeau

Pourtant, au départ, les faits sont clairement établis : le 16 octobre 1984 vers 21h, le corps de Grégory est découvert dans la Vologne. L'enfant a éte retrouvé mains et jambes liées, à Docelles, à sept kilomètres en aval de Lépanges-sur-Vologne (Vosges), où il vivait avec ses parents, Christine et Jean-Marie Villemin. Un peu plus tôt dans l'après-midi, un mystérieux corbeau a fait part du crime à la famille par un appel téléphonique. Le lendemain, le 17 octobre, une lettre anonyme adressée à Jean-Marie Villemin revendique le crime : « J'espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. » La lettre a été postée à Lépanges-sur-Vologne, le jour du meurtre, avant la levée de 17 h 15 (d'après l'oblitération). Ce corbeau harcelait le couple Villemin depuis environ quatre ans et la mort de Grégory était une des menaces proférées.


Bernard Laroche suspecté

Le cousin du père de l'enfant, Bernard Laroche, est d'abord suspecté. Il a été dénoncé par Murielle Bolle, sa belle-sœur alors âgée de 15 ans. Cette dernière a affirmé à plusieurs reprises qu'ils étaient allés ensemble, en voiture, chercher Grégory chez lui; puis, accompagnés du fils de Bernard Laroche, qu'ils s'étaient rendu aux bords de la Vologne. Elle a déclaré l'avoir vu partir avec Grégory puis « revenir seul » un peu plus tard avant de se rétracter quelques jours plus tard. Une étude graphologique de Bernard Laroche et un foulage « L B » au bas de la lettre de revendication du meurtre par le corbeau semblent désigner le cousin germain. Incarcéré puis remis en liberté tout en demeurant inculpé d'assassinat, Bernard Laroche est finalement abattu d'un coup de fusil de chasse par Jean-Marie Villemin en mars 1985. Jean-Marie Villemin qui sera condamné à 4 ans de prison ferme devant les Assises de Dijon en 1993.

Revirement judiciaire

En juillet 1985, le juge d'instruction Jean-Michel Lambert opère un spectaculaire revirement en portant ses soupçons vers la propre mère de l'enfant. Cela  vaudra plus tard au magistrat d'être traité de "mémorable funambule de la pensée" par l'avocat général des assises de Dijon. En 1993, après deux services d'enquête et trois juges d'instruction, Christine Villemin est finalement totalement innocentée au terme d'un non-lieu retentissant pour "absence totale de charges", formule inédite aux accents d'excuse et d'aveu d'erreur judiciaire. Dans l'intervalle, la presse se sera déchaînée contre elle. « Il y a toujours, chez certains, une espèce de jubilation malsaine à voir une mère sorcière; certains, ça les excite », observe Me Moser, qui a dû faire face à une presse majoritairement hostile à sa cliente. Elle était alors injustement dépeinte comme une « ogresse perverse », une « sorcière démoniaque », « "démente », à la fois « bête aux abois » et « machine à souffrir ». Le summum de l'ignominie est atteint quand Marguerite Duras affirme, quelques mois avant le non-lieu, dans le quotidien "Libération" croire en la culpabilité de la mère.


Un double calvaire pour les parents de Grégory

Non seulement, les époux Villemin ont perdu leur fils dans des conditions épouvantables mais en plus ils ont dû endurer ces tomberaux d'accusations haineuses.  « L'ensemble de la presse a imaginé un grand feuilleton en réécrivant mon histoire, ma jeunesse, notre vie de couple et même celle de notre enfant que l'on disait, entre autres, mal aimé », a déploré Christine Villemin, invitée par le Sénat aux côtés de son époux en 1994, pour raconter leur calvaire.

Reprendre l'instruction à zéro

L'affaire a été rouverte en 1999, puis en 2008, pour tenter de confondre d'hypothétiques traces d'ADN sur les scellés. Certains mélanges génétiques ont pu être isolés. Ils on été comparés avec 280 personnes figurant dans le dossier. « Tout a été repris, revérifié. On a mis beaucoup de moyens pour permettre d'avancer. Mais ces comparaisons s'achèvent sans que l'ADN n'ait parlé », nous a confié, Jean-Jacques Bosc, le procureur général de Dijon en charge du dossier. Il qui déplore toutefois la détérioration de certains scellés par de précédentes expertises et les conditions de conservation. Les analyses n'ont, pour l'instant, jamais permis d'identifier de nouveaux suspects.



Une affaire qui a fait couler beaucoup d'encre

En trente ans de vrais-faux rebondissements, auditions et expertises, le meurtre du petit Grégory a fait couler beaucoup d'encre. On compte quelque 3.000 articles de presse sur l'affaire, ainsi qu'une cinquantaine de travaux universitaires, un téléfilm et une quinzaine d'ouvrages - récits, romans ou souvenirs de protagonistes. Cette liste s'est encore allongée en août dernier avec la sortie du livre du premier juge de l'affaire, Jean-Michel Lambert. Les journalistes ont commis de nombreux manquements déontolgiques tout au long de l'affaire, nourris par d'abondantes fuites judiciaires sur fond de guerre entre police et gendarmerie. Dès les premières heures de l'enquête, certains journalistes se sont fait passer pour des gendarmes, ont caché des micros dans les armoires, ou « ont placé des cartons de jouets sur la tombe de Grégory pour fabriquer une belle image », tel que l'a raconté le père de l'enfant.

 

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