La méthanisation agricole "made in France" se cherche encore

La méthanisation agricole "made in France" peine encore à émerger, dans une filière au développement lent et toujours largement dominée par les fournisseurs allemands qui s'adaptent de mieux en mieux aux spécificités françaises. En Bretagne, les éleveurs s'y mettent. Exemple à Noyal-sur-Vilaine.

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Sur la vingtaine d'entreprises du secteur de la méthanisation présentes au Salon international du machinisme agricole (Sima) qui se tient jusqu'à jeudi à Paris, les exposants français se comptent sur les doigts d'une main. Les autres battent pavillon allemand surtout, mais aussi italien, luxembourgeois ou autrichien. Un des leaders du secteur est ainsi l'allemand Biogaz PlanET, dont la filiale française créée en 2006 a construit une vingtaine d'installations dans l'Hexagone, et représente aujourd'hui "entre 10 et 15% du marché", selon l'un de ses commerciaux présent au Sima.

Cette domination des constructeurs allemands est avant tout historique. Le secteur a connu un véritable boom au début des années 2000 outre-Rhin, conséquence d'une législation très incitative, l'Allemagne accueillant aujourd'hui près de 8.000 installations qui transforment les déchets agricoles en énergie (biogaz). Un tissu industriel solide s'est donc développé et a logiquement attaqué le marché français à partir de 2006, lorsque les pouvoirs publics ont pris des mesures en faveur de la méthanisation. Conséquence : les entreprises françaises existantes se fournissent aussi en grande majorité chez des équipementiers étrangers pour les pièces composant un méthaniseur (agitateurs, incorporateurs, membranes, etc.).

"Il n'y a quasiment pas de fournisseurs français qui travaillent déjà pour le biogaz", relève Gilles Merrien, directeur d'AEB Methafrance, constructeur national qui affirme représenter 20% du marché. "Quand vous passez par un assemblier ou un maître d'oeuvre étranger, il va plutôt avoir tendance à travailler avec les entreprises étrangères qu'il connait bien",
avance Frédéric Flipo, associé de Holding verte, développeur français de projets de méthaniseurs. Pour s'approvisionner au niveau national, AEB Methafrance a bien tenté d'attirer des équipementiers français évoluant dans des secteurs proches, "mais nous avons ralenti la démarche car le volume d'activité n'est pas là", avoue Gilles Merrien. Fin 2013, la France ne comptait ainsi que 390 unités dont environ 200 dites "à la ferme", c'est-à-dire exploitées par des agriculteurs. Le rythme annuel tourne autour "50 à 60 nouvelles installations" ces deux dernières années, précise Claire Ingremeau, chargée de mission du club biogaz qui regroupe les entreprises du secteur. Insuffisant, selon Gilles Merrien pour inciter des PME françaises à se diversifier dans le biogaz. 

Une "Biogaz vallée" française 

Mais les choses ont commencé à bouger. Certaines régions, comme le Midi-Pyrénées, la Bretagne ou le Nord-pas-de-Calais, ont lancé un travail de recensement des entreprises qui pourraient se diversifier dans la fourniture d'équipements pour la méthanisation. Un pôle de compétitivité "Biogaz Vallée" est né en 2011 à Troyes (Aube). Parmi ses projets, la construction d'un démonstrateur pour favoriser la recherche dans les technologies adaptées au modèle français. Car cette prépondérance des équipementiers allemands pose aussi des problèmes techniques, liés aux différences entre les cultures réalisées en Allemagne et en France.

Quand les déchets deviennent ressources

A Noyal-sur-Vilaine, Daniel, éleveur de porcs utilise ses déchets pour produire le méthane. 

S. Breton, MA. Mouchère, AF. Scala / avec Pascal Peu\ Ingénieur d'études Unité de recherches gestion environnementale et traitement des déchets. IRSTEA et Daniel Lamoureux Eleveur

Chez nos voisins, la méthanisation utilise quasi-exclusivement des intrants issus du maïs, beaucoup plus liquides que les intrants français, composés de fumier et d'autres matières végétales comme des déchets de cantines ou de l'industrie agroalimentaire. Cela s'est traduit par de mauvaises surprises comme "une consommation électrique plus élevée que prévu et une usure plus rapide des pièces entraînant beaucoup de frais de maintenance", relève Denis Ollivier, animateur de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France.

"Aujourd'hui, il y a pas mal de recherche sur les techniques de voie solide qui ne correspond pas au modèle de nos voisins et il y a déjà quelques sites qui fonctionnent", note toutefois Claire Ingremeau. Mais les spécialistes allemands du secteur ont aussi adapté leurs produits et devraient donc continuer à se tailler pendant encore plusieurs années la part du lion sur ce marché.

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