Des gendarmes sont-ils à l'origine de fuites dans des dossiers liés au grand banditisme et au terrorisme ? Selon des documents dont France 3 Corse a eu connaissance, des enquêteurs ont ainsi tenté d'alerter leur hiérarchie, sans succès, sur la nage en eaux troubles de certains de leurs collègues.
Des taupes sous les képis ? C'est en tout cas ce qui ressort d'une série de documents parvenus à la rédaction de France 3 Corse. Procès-verbaux, procédures judiciaires, compte-rendus d'écoutes... Des dizaines de pièces écrites qui font état d'une collusion supposée entre des enquêteurs de la gendarmerie et leurs cibles potentiels.
En 2003 à Calvi, la gendarmerie s'apprête ainsi à déclencher une "opération de grande envergure" visant un réseau de machines à sous et de blanchiment d'argent. L'auteur de la note alerte sa hiérarchie sur "des fuites". Bandits manchots et arrestations en série, l'opération est toutefois maintenue et se révèle un succès sur tous les objectifs, "sauf en Balagne…" où les enquêteurs font choux blanc.
Autre année, autre fuite. Le 22 octobre 2004, un attentat vise la gendarmerie d'Aleria en Haute-Corse. Quelques jours plus tard, une centaine de militaires appuyés par le GIGN mène un coup de filet. Problème la veille à 18h, une réunion de cadrage rassemble les enquêteurs, qui ciblent une voiture utilisée pour l'attentat, retrouvée "le même jour", "en feu à 10 kms d'Aleria".
Pour le rédacteur de la note aucun doute: "(…) les auteurs de l'attentat ont donc été renseignés de l'opération", "une heure trente après la fin de la réunion", écrit-il avant d'être carrément plus précis: "un gendarme de Bastia renseignerait des individus du Fiumorbo faisant partie du FLNC du 22/10". Ambiance…
Il y avait toutes sortes d'informations, sur des assassinats, sur des extorsions de fond
Autant de fuites ou d'errements dans des enquêtes, confirmés par le témoignage d'un ancien membre de la SR, la section de recherches de la gendarmerie. "Il y avait toutes sortes d'informations, sur des assassinats, sur des extorsions de fond", explique l'homme sous couvert d'anonymat. "Vous aviez des informations sur des perquisitions, certains ont été prévenus la veille, donc du coup le matin quand vous tapez à 6h, vous trouvez plus rien…".
De source judiciaire, on indique que des gendarmes ont bien été auditionnés dans le cadre de plusieurs dossiers sans que des charges puissent être retenues contre eux. La direction générale de la gendarmerie nationale, n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet.
Quant aux enquêteurs à problème, ils auraient été poussés vers la retraite. Dossier clos.
L'intégralité de l'enquête en vidéo menée par Antoine Albertini et Philippe Villaret