L'avenir de l'ex-SNCM se joue à nouveau jeudi devant le tribunal de commerce de Marseille, trois mois après la reprise de la compagnie maritime par l'entrepreneur corse Rocca, porteur aujourd'hui d'un projet radicalement différent de celui choisi par la justice en novembre.
Deux audiences distinctes sont prévues à Marseille: le matin, la juridiction a examiné la légalité de Corsica Linea, une nouvelle liaison Corse-continent
lancée - au moment même où Patrick Rocca prenait officiellement les rênes de l'ex-SNCM -, par un candidat malheureux à la reprise, le consortium d'entrepreneurs corses Corsica Maritima.
C'est au nom d'une clause de non-concurrence signée par les candidats à la reprise de la SNCM, et à laquelle devait donc se soumettre Corsica Maritima, que le secrétaire du CE et les administrateurs judiciaires ont déposé un recours visant cette ligne de fret, baptisée Corsica Linea. La tribunal rendra sa décision lundi dans ce dossier.
Mais l'audience la plus cruciale doit avoir lieu dans l'après-midi : le 20 novembre, dans son jugement, le tribunal de commerce de Marseille laissait jusqu'au mois de mars à l'entrepreneur corse - à la tête d'une trentaine de sociétés insulaires dans le transport, l'immobilier ou les déchets - pour réunir
les fonds nécessaires à l'achat des navires de l'ex compagnie publique.
A l'heure actuelle, rien n'a encore été fait dans ce sens. A la demande des administrateurs judiciaires de la SNCM, le tribunal de commerce
va donc demander à M. Rocca s'il est en mesure de finaliser la transaction. Selon les syndicats de l'entreprise, la Caisse d'épargne Alpes-Provence rechignerait à lui prêter les 15 millions d'euros nécessaires, malgré un engagement de la banque qui avait permis au groupe Rocca d'emporter l'appel d'offre.
La frilosité du banquier pourrait s'expliquer notamment, toujours selon les syndicats, par la création de la Corsica Linea, visée dans la procédure de mardi matin.
"Tout est possible"
Mais le dossier a récemment pris une tournure rocambolesque, avec l'annonce récente par les adversaires d'hier - Patrick Rocca et François Padrona, à la tête de Corcica Maritima - de fusionner MCM/Maritima Ferries, le nouveau nom de la SNCM, et Corsica Linea.La manoeuvre prendrait en fait la forme d'une absorption de MCM/Maritima par Corsica Maritima, pour former une entité qui prendrait le nom commercial de Corsica Linea. Selon les termes de l'accord conclu, la compagnie de M. Rocca céderait 100% de ses actions à CM Holding (Corsica Maritima).
La volonté c'est de se trouver un modèle qui va durer et qui va être rassurant pour tous les salariés, dans l'intérêt général de l'entreprise", a assuré Patrick Rocca mercredi lors d'un comité d'entreprise.
Mais là encore, le tribunal de commerce devrait avoir son mot à dire, assurent des syndicalistes: ce changement de capital "n'est pas conforme au jugement du tribunal de commerce du 20 novembre", estime le représentant de la CFE-CGC, Pierre Maupoint de Vandeul.
Selon ce représentant du personnel, "tout est possible aujourd'hui": la liquidation, le redressement judiciaire, voire un nouvel appel d'offre, faisant craindre un nouveau plan social, pour une compagnie dont 900 salariés sur environ 1.400 ont été repris par Patrick Rocca.
Un "partenariat public"
De fait, le tribunal examinera indirectement dès jeudi après-midi la nouvelle configuration issue de l'association annoncée avec le consortium de François Padrona - seul moyen pour Patrick Rocca de réussir à boucler le financement de son offre de reprise de la SNCM.
Enfin, un dernier acteur déterminant est à la manoeuvre: la Collectivité territoriale de Corse (CTC), dirigée depuis leur victoire historique lors des élections territoriales de décembre par les nationalistes, a présenté fin janvier à Ajaccio un protocole d'accord sur la création d'ici à l'été d'une compagnie maritime insulaire, organisée "autour d'un partenariat public".