Une peine de réclusion criminelle à perpétuité assortie de 30 ans de sûreté, conforme aux réquisitions du ministère public, a été prononcée vendredi 20 février, à l'encontre d'Abdallah Boumezaar, jugé pour le meurtre de deux gendarmes à Collobrières, dans le Var, en 2012.
Sa compagne à l'époque, Inès Farhat, 22 ans, poursuivie pour complicité dans un de ces deux homicides, a quant à elle été condamnée à 8 ans de prison par la cour d'assises du Var.
L'avocat général Xavier Tarabeux avait requis 15 ans de réclusion criminelle à l'encontre de la jeune femme, dont la responsabilité supposée dans une rixe qui a précédé les deux homicides est restée au coeur des débats tout au long des 10
jours d'audience. Egrenant les nombreuses condamnations figurant au casier judiciaire d'Abdallah Boumezaar, prouvant à ses yeux "sa dangerosité et sa violence", soulignant aussi son "impulsivité", M. Tarabeux avait écarté l'irresponsabilité de l'accusé âgé de 32 ans.
Evoquant le cas d'Inès Farhat, elle aussi multirécidiviste au moment des faits, il avait décrit dans son réquisitoire de près de deux heures et demie une jeune femme "toujours dans l'opposition".
Le 17 juin 2012, les gendarmes Audrey Bertaut, 35 ans, et Alicia Champlon, 28 ans, avaient été appelées pour un cambriolage et une tentative suivie d'une agression. Elles s'étaient rendues dans le logement que le couple occupait depuis peu à Collobrières, à une quarantaine de kilomètres de Toulon. Là, une rixe éclate, mettant aux prises le jeune homme et Audrey Bertaut. Il finit par subtiliser son arme et la tue dans l'appartement, avant de poursuivre sa collègue et de la tuer dans la rue, des faits qu'il reconnaît.
Selon l'accusation et les parties civiles, Inès Farhat a elle aussi pris part à la rixe dans l'appartement, assommant Alicia Champlon, des accusations que les deux protagonistes ont en revanche toujours niées farouchement. Pour Xavier Tarabeux, pourtant, il n'y a aucun doute sur l'implication de la jeune
femme: "Alicia Champlon n'est pas tombée toute seule". Poursuivant sa description des faits et des deux homicides --"une horreur" à ses yeux--, l'avocat général a asséné: "Ce déroulement, Mme Farhat y a participé depuis le début".
Un Verdict attendu
"Ne la jugez pas sur son attitude à l'audience", a pour sa part plaidé un des avocats de la jeune femme, Jean-Claude Guidicelli, en référence au caractère parfois à la limite de la provocation de sa cliente: "Son innocence commence à lui peser." "Ce sont des faits monstrueux, mais Abdallah Boumezaar n'en reste pas moins un homme", a de son côté plaidé l'avocat du jeune homme, Stéphane Colombe, rappelant notamment "l'état d'alcoolisation avancé" de son client au moment des faits ou son impulsivité --"ça part vite, ça part très très vite".Evoquant "un acte de folie", il a toutefois laissé le soin à la cour de se prononcer sur une éventuelle altération de son discernement au moment des faits, évoquée dans une expertise psychiatrique sur trois --la cour l'a finalement exclue dans son jugement. "J'avais demandé à mon avocat de ne pas plaider", a pour sa part déclaré Abdallah Boumezaar à la cour avant qu'elle ne se retire pour délibérer: "J'estime pas être pardonnable (...), moi, vous pouvez me mettre toute la vie en prison, j'ai plus envie de voir la lumière du jour."
Après le verdict, Me Guidicelli a évoqué un "semi-acquittement": "Nous allons suggérer à Inès Farhat de ne pas interjeter appel, même si son dossier aurait dû conduire à son acquittement". Son confrère Me Colombe a quant à lui estimé qu'il s'agissait d'un "verdict attendu". Dans la mesure où l'altération du discernement de son client n'a pas été retenue par la cour, "sa condamnation ne pouvait pas être autre", a-t-il poursuivi, précisant qu'il ne comptait pas faire appel. "Quelque part, c'était la peine qu'il attendait", a-t-il conclu.
"Ce soir, deux accusés sont entrés dans le box, et deux coupables en sont sortis", a commenté le général David Galtier, qui dirige les gendarmes de Provence-Alpes-Côte-d'Azur: "La justice est passée, une page est tournée".
Interviews: Alain BACQUIAS, Oncle d'Alicia Champlon; Stephane COLOMBE, Avocat d'Abdallah Boumezaar; Virginie PIN, Avocat des familles des victimes; Jean-Claude GIUDICELLI, Avocat d'Inès Farhat
Reportage: J.Pozzi; F.Cerulli; K.Schmid