Scandale d'abus sexuels au sein de l'Eglise : un cas alsacien révélé par Mediapart

Dans une enquête publiée ce lundi, Mediapart révèle un nouveau scandale lié à l’Eglise. 25 évêques auraient couvert pendant des années des abus sexuels. Parmi eux, un ancien évêque auxiliaire de Strasbourg.

Les journalistes ont mené l’enquête pendant un an. "Au cœur des affaires de pédophilie et d’abus sexuels dans l’Église catholique de France", publié par Mediapart, établit une nouvelle salve d’accusations après l’affaire Barbarin en 2016, du nom du cardinal accusé par la justice de ne pas avoir dénoncé des faits de pédophilie commis par l’un des prêtres du diocèse de Lyon. 

Le magazine de France 2 Cash investigation diffuse également ce mardi soir une enquête, "Pédophilie dans l'Église : le poids du silence", conjointement menée avec le site d’informations en ligne. Au total, 25 évêques, dont cinq toujours en poste, auraient couvert 32 "prêtres, religieux ou laïcs, accusés d’abus sexuels sur mineurs ou majeurs".
Les faits, commis des années 60 à nos jours, impliquent 339 victimes présumées, dont 288 mineurs au moment des faits.


Parmi les noms cités par les journalistes, Mgr Léon Hégélé. Mediapart accuse l’ancien évêque auxiliaire de Strasbourg de 1985 à 2000 d’avoir couvert le père Jean-Luc Heckner. Ce dernier a été condamné par la Cour d’assise de Colmar à 16 ans de réclusion criminelle pour viols et agressions sexuelles sur sept jeunes garçons, âgés de 11 à 14 ans, de 1992 à 1998. Il est aujourd’hui libre et n'a plus de lien avec l'Eglise, précise l'archevêché.

Un prêtre aurait informé à l’époque l’évêque, décédé en 2014, "des problèmes de comportement du père Jean-Luc Heckner avec de jeunes garçons". Selon le site d’information, Mgr Hégélé sermonne le jeune curé sans prévenir la justice. Le prêtre est muté de Thann à Oderen. D’après l’enquête, le déplacement géographique devient pratique récurrente de l’église.

"Une vieille histoire"

Pour l’un des avocats du prêtre, maître Thierry Moser, cette mutation ne constitue pas en soi une preuve. "Les hommes d’Eglise sont mutés comme les fonctionnaires, c’est classique dans une carrière de curé." Lors du procès en 2001, l’évêque auxiliaire détient le statut de simple témoin et n’est pas inquiété judiciairement. "Il a été cuisiné par l’avocat de la partie civile (…) il n’y avait aucune intention de cacher des faits", nous détaille l’avocat pour qui le dossier ne comprend "rien de compromettant" concernant son client.

La réaction de Maître Moser dans ce reportage :

©France Alsace


L’archevêché de Strasbourg évoque "une vieille affaire". Le chanoine Rodolphe Vigneron a assisté au procès de l'abbé Heckner en 2001 et il estime que, concernant l'implication de l'évêque auxiliaire, "il ne faut pas s'appuyer sur des rumeurs. Je demande aux journalistes de respecter les éléments mis en avant au moment du procès". Au moment de l'affaire, précise le chanoise, Jean-Luc Heckner avait été promu prêtre, il ne l'aurait pas été si ses supérieurs avaient été au courant de ses actes, juge-t-il. Lorsque les faits ont été connus, Mgr Doré, alors archevêque de Strasbourg, avait demandé à être nommé témoin lors du procès, et avait suspendu de ses fonctions l'accusé.

Un père oblat assigné à résidence à Strasbourg

L’enquête mentionne à nouveau la ville de Strasbourg dans une autre affaire. Celle du père oblat (un laïc au service de l'Eglise, ndlr), Joannes Rivoire. Sous le coup d’un mandat d’arrêt au Canada depuis le 29 décembre 1998 pour agressions sexuelles sur quatre mineurs sans demande d’extradition entre 1968 et 1970, l’homme de 87 ans n’a jamais été jugé.
L’enquête de Mediapart évoque un cas « d’évasion » concernant Joannes Rivoire, arrivé au Canada dans les années 60, parti précipitamment du Nunavut en 1993.  "Aujourd’hui, plusieurs témoignages font état d’abus sexuels commis par le prêtre tout au long de sa carrière dans le Grand Nord", dévoile le journal en ligne.  

La congrégation a pris immédiatement des mesures conservatoires (...). Le père n'a exercé aucun ministère public et n'avait aucun contact avec les mineurs


"Il n’y a pas d’éléments nouveaux", affirme Vincent Gruber, responsable des Oblats de Marie-Immaculée. Sa congrégation, informée en 2013 par voie de presse, a  "pris immédiatement des mesures conservatoires, ouvert une « enquête canonique » et effectué un signalement au niveau mondial de la congrégation des oblats et à la Doctrine de la foi au Vatican".

L’OMI assure que le père "n’a exercé aucun ministère public et n’avait aucun contact avec des mineurs". En 2014, Joannes Rivoire est assigné à résidence dans une communauté dans le Vaucluse puis, l’année suivante, à Strasbourg. "Nous avons eu un dialogue approfondi avec lui à plusieurs occasions mais nous n’avons aucun moyen de le contraindre à se présenter au Canada sinon du point de vue moral" .

Un "Spotlight à la française"

L’OMI a créé en 2012 un directoire de politique de lutte contre la pédophilie et les abus sexuels sur les mineurs et les adultes vulnérables. "C’est au Supérieur majeur et à lui seul que doit être signalé et transmis dans les plus brefs délais, et de manière aussi précise que possible, tout ce qui a trait à des cas d’inconduite de la part de confrères Oblats, qu’il s’agisse de rumeurs, d’allégations ou d’accusations", précise le communiqué de la congrégation.

Ces révélations prennent la forme d’un "Spotlight à la française", en référence au film sorti en 2015 qui retrace l’enquête du Boston Globe sur l’affaire de prêtres pédophiles aux Etats-Unis couverts par l’église catholique.
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