Pesticides hautement toxiques : un producteur bio picard porte plainte contre l'Espagne

Jean-Claude Terlet, un maraîcher bio picard situé à Celles-sur-Aisne, près de Soissons, porte plainte pour concurrence déloyale contre l'Espagne où les producteurs utilisent des traitements toxiques interdits de longue date par Bruxelles. Il dénonce l'impunité de l'État face à ces pratiques.

Les fraises provenant du sud de l'Espagne sont bien charnues, brillantes, colorées. Cerise sur le gâteau, elles poussent vite et bien. Et pour cause. Plusieurs études ont démontré que des produits interdits par la Commission Européenne étaient utilisés. Les fraisculteurs du sud de l'Espagne ont recours, en grande quantité, à trois pesticides "made in China" très cheap et surtout... très toxiques. 

C'est contre ces pratiques, illégales, que se bat le maraîcher axonnais Jean-Claude Terlet. Lors d'une récente visite en Andalousie, à Huelva plus précisément, le producteur a été effaré de constater l'utilisation de tous ces trois produits pourtant strictement interdits par la Commission Européenne depuis de nombreuses années.

Reportage Émilie Montcho et Morgan Plouchard

Quand l'Etat espagnol couvre ses producteurs

Parmi ces trois pesticides, l'endosulfan, un insecticide particulièrement dangereux pour la santé. Fait étrange, ledit insecticide interdit par Bruxelles est autorisé en Espagne. Son utilisation ne serait donc pas exactement frauduleuse... "Le cas d'une dérogation reste la seule explication légale", suppose François Veillerette, directeur de l'association Générations Futures.

L'État espagnol laisse faire ces pratiques répréhensibles pour assurer son lobby sur les fruits et légumes


En réalité, l'Espagne n'a tout simplement pas transposé cette mesure communautaire dans le droit espagnol. "Pure mauvaise volonté", assure Me Ludot, avocat de M. Terlet. "L'État espagnol laisse faire ces pratiques répréhensibles pour assurer son lobby sur les fruits et légumes. Il laisse ainsi les producteurs espagnols innonder le marché européen en toute impunité", poursuit Me Ludot.
 
Ces fraises, on les retrouve à Rungis, où elles défient toute concurrence, puisqu'elles sont vendues à 60 centimes d'euros le kilo. À titre de comparaison, Jean-Claude Terlet, lui, vend ses fraises bio 8 euros le kilo... 

Huelva, on exploite les fraises... et les immigrés


La région de Huelva en Andalousie est la principale région de production de fraises en Europe. Il s'agit d'une culture intensive à base d'engrais dans des sols sablonneux très pauvres et proches de complexes chimiques polluants.

En 2013, une enquête de Générations futures a montré que 100 % des fraises espagnoles étaient contaminées par des résidus de pesticides. 37 molécules différentes ont été trouvées dans les échantillons examinés*, parmi lesquels 8 perturbateurs endocriniens.


Chaque année, des milliers de femmes des pays de l'est et du Maroc viennent travailler à la cueillette de ses fraises qui inondent le marche européen. 

C’est le recours à cette main-d’œuvre étrangère qui a permis le maintien de cette agro-industrie et la hausse de sa rentabilité. Depuis la crise de 2008, les travailleurs sont davantage exposés aux abus concernant salaires, horaires, conditions de travail, logement, etc. Certains travaillent sans contrat.

Seul contre tous ?


Pour l'instant, le combat de Jean-Claude Terlet, c'est un peu David contre Goliath. D'autant qu'à notre connaissance, aucun autre producteur ne s'est joint à sa plainte. "C'est en cours", assure Me Ludot. Cette plainte contre l'Espagne est acte choc, mais pour l'instant certains producteurs français restent sceptiques 

La recevabilité de sa plainte devrait être étudiée par la Commission Européenne d'ici quelques semaines. "On est en train de faire analyser des fraises rapportées d'Espagne", ajoute Me Ludot. "Nous souhaitons également demander une expertise devant le tribunal administratif".



*Les analyses ont été réalisées par le laboratoire belge Fytolab, "agréé par la Direction générale de l'alimentation" 


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