Certains de vos commentaires sur Facebook sur l'arrivée des migrants dans la région sont insupportables

La publication ce jeudi matin sur notre page facebook d'une vidéo sur l'arrivée à Toulouse de migrants de Calais a déclenché un torrent de commentaires. Certains sont empreints d'humanité mais beaucoup donnent la nausée. Nous avons décidé de réagir. 

C'est une simple vidéo. De quelques secondes. Une vidéo réalisée durant la nuit par une équipe de journalistes de France 3 Midi-Pyrénées. On y voit des hommes, fatigués, tous d'origine afghane, débarquer d'un bus et récupérer leurs bagages. Quelques instants plus tard, ils seront installés dans un centre de la Croix-Rouge à Toulouse. Car ces hommes sont ce que l'on a pris désormais l'habitude d'appeler des "migrants", des réfugiés. Quelques heures auparavant, ils "vivaient" dans des conditions inhumaines dans la "jungle" de Calais. 

Cette vidéo, strictement informative, publiée sur notre page facebook, a déclenché un flot de commentaires. La plupart de ces commentaires sont haineux. Ils rejettent, a priori, sans les avoir rencontré, sans connaître leur histoire, des individus, des êtres humains, simplement parce qu'ils viennent d'un pays étranger, que leurs "traditions", leur "mode de vie" ne seraient pas exactement les mêmes que les nôtres.

Mais cela va plus loin, "accusant" ces hommes d'être des violeurs en puissance, des agresseurs d'enfants. C'est insupportable.


D'autres parlent "d'invasion" (quand tout au plus 270 personnes vont s'installer dans notre région, qui compte 5,7 millions d'habitants) ou font l'amalgame avec les terroristes !


Heureusement, au milieu de cette mare d'immondices déversés sur facebook, certains internautes tentent de faire entendre une autre voix. "Bienvenue à eux" écrivent certains.


Nous sommes, en tant que service public d'information, profondément attachés à la liberté d'expression. Les commentaires sur notre page facebook sont modérés a posteriori. Cela signifie que ceux qui franchissent la ligne jaune, en matière de respect de la loi (incitation à la haine, insulte, etc) sont supprimés après intervention de nos modérateurs. C'est un travail fastidieux surtout sur certains sujets dits "sensibles" et encore plus à l'approche des élections. 

Il y a la loi. Et puis il y a l'esprit. L'esprit, redisons-le, c'est celui de permettre au plus grand nombre de s'exprimer. Mais laisser le droit à l'expression n'empêche pas d'avoir un avis. La rédaction de France 3 Midi-Pyrénées, tout au long de l'année, à la télévision ou sur son site internet, a l'ambition de montrer la vie des gens qui habitent dans notre région, d'expliquer les faits d'actualité, de les contextualiser. Nous avons fait le choix de ne pas fermer les commentaires sur facebook mais sur certains sujets, des internautes, sous pseudonymes ou leur véritable identité, font tout pour nous pousser à restreindre la liberté d'expression. Nous ne voulons pas nous y résoudre mais nous ne pouvons pas laisser dire des choses fausses et laisser publier des propos insupportables sur notre page facebook sans réagir

La France est une terre d'asile. Chacun d'entre nous a dans sa famille ou connaît une personne qui a des origines espagnoles, italiennes, maghrébines, africaines, asiatiques... La région Occitanie a été et reste une terre d'accueil des peuples, au gré de l'histoire : guerres civiles, guerres mondiales, immigration économique, etc.
L'histoire de notre pays est comme cela, que ça plaise ou non, et sans ces mélanges de population, sans cette ouverture sur le monde, la France ne serait pas la France.

Cette "haine de l'autre" est irrationnelle. Elle ne repose sur rien d'autre qu'un sentiment. Peu importe comment on le nomme, "de peur", "d'insécurité". Irrationnel. Ce ne sont pas 27 hommes, démunis de tout qui vont changer la vie d'un quartier, d'une ville comme Toulouse. Ce ne sont pas 250 ou 270 personnes qui vont mettre en péril l'équilibre de notre région. Vous qui voyez dans ces images des violeurs ou des agresseurs, dites-vous qu'y figurent peut-être le médecin qui sauvera demain votre enfant ou le maçon qui construira votre maison ! (Lisez, s'il vous plaît, l'encadré au pied de cet article, "La nausée" de la journaliste Marie Martin). 

Nous savons que la publication de cet article va déclencher de nouveaux commentaires haineux. Nous savons à quoi nous nous exposons. Mais nous ne voulions pas rester silencieux devant tant de haine et face à ce déversement sur facebook de commentaires nauséeux. Ne rien dire c'était se rendre complices. 

Fabrice Valéry
Rédacteur en chef adjoint chargé des éditions numériques de France 3 Midi-Pyrénées



"La nausée"
Alors que le démantèlement du plus grand bidonville de France est achevé, alors que des centaines de réfugiés commencent à arriver dans des communes d’accueil partout sur le territoire national, la haine de l’autre, la peur des autres suintent dans de très nombreux commentaires, notamment sur les réseaux sociaux. « On n’en veut pas », « qu’ils rentrent chez eux », « ces gens-là ne sont pas comme nous ».

J’ai honte de ce que je lis. J’ai honte de ce que je comprends. J’ai honte que l’accueil de 4 500 personnes pose problème en France, dans un pays qui compte 60 millions d’habitants. J’ai honte que ce frein vienne de mes contemporains.

Comme ils ont la mémoire courte, ces porteurs d’un discours de rejet et de haine.
Ils ont oublié leurs larmes, devant le journal de 20 heures qui montrait le petit corps d’Aylan, mort échoué sur une plage de la Méditerranée.
Ils ont oublié les images de guerre, des bombes sur Alep.
Ils ont oublié que peut-être, leur grand-père a franchi les Pyrénées pour échapper à la mort et à la dictature de Franco.
Ils ont oublié que leur voisin est peut-être un enfant des boat-people.
Ils ont oublié que leur mère a peut-être sauvé la vie d’enfants juifs dans le maquis de Vabre.
Ils ne savent pas, peut-être, qu’on ne quitte pas son pays pour le plaisir d’aller s’entasser sous des tentes, dans la boue, dans le nord de la France.
Qu’on ne quitte pas son métier de médecin ou de professeur d’université pour le plaisir de venir un jour balayer nos rues.

Peut-être devraient-ils s’imaginer, une seule seconde, traverser une mer, un océan, des montagnes, pour sauver leur vie et celle de leur famille.
Peut-être est-ce aussi à nous, les journalistes, de rappeler que souhaiter le départ d’hommes et de femmes menacés de mort dans leur pays revient à souhaiter leur mort tout court.

Marie Martin
Journaliste France 3 Midi-Pyrénées
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