Le 3ème procès AZF, qui s'ouvre mardi 24 janvier à Paris, va se tenir plus de 15 ans après l'explosion de l'usine chimique. Pourtant, pour de nombreux toulousains, le vendredi 21 septembre 2001 à 10h17 reste un traumatisme, gravé dans leur mémoire.
"Sentiment d'apocalypse", "traumatisme": le 21 septembre 2001, une explosion dans l'usine AZF, à Toulouse, fait 31 morts et des milliers de blessés. A quelques jours du troisième procès, qui s'ouvre mardi à Paris, des Toulousains témoignent.
Brigitte Aubert, ancienne intérimaire à AZF, en recherche d'emploi, 59 ans :
"J'ai vu ce nuage arriver, les vitres exploser, et puis plus rien. [...] Il y avait un sentiment d'apocalypse dans le bureau: les plafonds, les cloisons étaient tombées, les fenêtres, il n'y en avait plus, les fils au plafond crépitaient..."Avant AZF, j'étais une personne souriante, joviale, qui aimait beaucoup rire, qui n'avait pas de problème de santé. Mais après AZF ? Vous avez tous les problèmes de santé, les maux de tête, les acouphènes, les prises de médicaments, l'isolement.
"Nous, quand on met tous les matins nos petits appareils dans les oreilles, tous les jours ça nous ramène à AZF. Même si on veut oublier, on ne peut pas oublier ce qu'on a subi, ce qu'on a eu, les blessures, le choc, le traumatisme."
Armand Cassé, ancien salarié d'AZF, retraité, 63 ans :
"J'ai entendu d'abord une première déflagration, et j'ai dit d'instinct : baissez-vous. [...] J'ai entendu des grincements de ferraille et puis le souffle venir exploser la vitre, les morceaux de verre sont venus se planter dans les portes, sur les placos".J'attends une condamnation de Grande paroisse. Le directeur pour moi, qu'il prenne
de la prison ferme, ça ne m'intéresse pas. C'est la condamnation de la société qui est intéressante, parce que c'est en condamnant les sociétés qu'on arrive à faire changer la législation sur la sécurité.
Anne-Marie Capgras, ancienne auxiliaire de vie, 70 ans :
"Je suis devenue un bloc de souffrance et de douleur. Je ne peux plus avancer. Beaucoup pensent que ce procès, c'est pour se faire indemniser, mais non, c'est pour qu'ils reconnaissent leurs fautes et rendre justice à la population toulousaine."Catherine Salun, ancienne auxiliaire de vie, en recherche d'emploi, 50 ans :
"Je me suis retrouvée par terre, avec du sang partout, c'était le sang de la personne à côté de moi, que je ne connaissais pas. Du sang d'une autre personne, ça reste."EN VIDEO / le documentaire de France 3 sur AZF
En 2011, 10 ans après l'explosion, France 3 Midi-Pyrénées avait produit et diffusé "10h17 AZF : chronique d'une blessure toulousaine", un documentaire de 52 minutes sur le travail de mémoire après un tel traumatisme.
Jean-Michel Muratet, alors ophtalmologue à l'hôpital, 59 ans :
"On a vu arriver beaucoup de blessés, et c'est là que j'ai fait de l'ophtalmologie de guerre, chose que je n'avais jamais faite. Je triais les gens, je soignais les gens qui étaient pas trop mal en point, et ceux qu'il fallait opérer rapidement, je les transférais à mes collègues au bloc".Michel Lasserre, imprimeur, 57 ans :
"J'ai vu tout mon atelier détruit. Il y avait des fuites d'eau, je n'avais plus de vitres, de portes, plus rien. Le premier truc que j'ai fait, c'est que j'ai pris un balais et j'ai balayé. J'étais dans un état second."On mettait de l'eau sur les chiffons et on disait aux gens de respirer à travers ça, parce que le nuage nous avait envahi. [...] C'était un nuage qui était orange, et on se disait : qu'est-ce qu'il y a dedans ?"
Christophe Ghiani, sapeur-pompier professionnel, 47 ans :
"Cette journée, elle commence comme une journée de garde standard, mais entre le sport et la manoeuvre: une explosion. [...] 10 jours après le 11 septembre, la notion d'attentat était dans l'esprit de tout le monde."On est rentrés sur le site et on a fait du sauvetage d'urgence. Il y avait des gens qui étaient blessés par le souffle, à même le sol, et d'autres qui étaient ensevelies ou enterrées, bloquées par des débris. Il y a même des gens qui étaient coincés dans des voitures déformées par le souffle de l'explosion.
"Bien plus tard, je me suis retrouvé face à un cratère (d'une dizaine de mètres de profondeur, NDLR). J'ai eu les jambes sciées. Je me revois m'asseoir au bord du cratère en me disant ce n'est pas possible. On n'imagine pas la taille de ce qui a pu causer cette explosion-là."