Analyser l'ADN en dix minutes au lieu des trois à quatre heures habituelles: le Toulousain Aurélien Bancaud, chargé de recherche au CNRS, vient d'être primé pour une découverte au potentiel "considérable", allant de la criminologie aux tests de dépistage du cancer.
Un nouveau procédé d'analyse de l'ADN, au potentiel qualifié dans les milieux scientifiques de "considérable", a été mise au point dans le laboratoire toulousain d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS (LAAS-CNRS).
"C'était un peu de la chance":
comme souvent dans le monde des innovations, celle d'Aurélien Bancaud a été fortuite. Le chercheur de ce laboratoire tentait en 2012 de ralentir l'écoulement de produit dans un ADN, afin de pouvoir lire un séquençage, en utilisant un champ électrique. "On a alors vu que ce champ électrique séparait l'ADN, sans besoin de matrice", explique le chercheur, qui vient de recevoir pour cette découverte le premier prix d'instrumentation de la Société française de chimie.
Pour analyser l'ADN, et ainsi obtenir la carte d'identité génétique d'une espèce, la méthode qui n'a guère évolué depuis les années 70 consiste à déposer l'ADN sur une matrice, c'est-à-dire un moule servant à reproduire une empreinte, constituée d'une sorte de gel. On fait ensuite passer un courant électrique au travers de ce gel et les morceaux d'ADN se déplacent en fonction de leur taille. L'image ainsi obtenue forme un "code-barres". Mais la médiocre sensibilité de cette méthode nécessite un important échantillon d'ADN, ce qui peut être difficile à obtenir, en particulier en police scientifique.
La méthode mise au point par Aurélien Bancaud, baptisée "MicroLAS", n'utilise pas de matrice en gel: on fait passer directement le champ électrique dans l'ADN déposé non plus sur du gel mais sur une petite puce, semblable à une puce d'ordinateurs, où sont collés des circuits fluidiques sur du silicium.
Labos sur puces
Ces "laboratoires sur puce", comme les appelle Aurélien Bancaud, sont "de 100 à 1.000 fois plus sensibles" que la matrice de gel. De ce fait, il n'est généralement plus besoin, comme avec la méthode traditionnelle, de concentrer l'échantillon d'ADN avant le séquençage, afin d'en favoriser la lecture. L'élimination de cette étape fait économiser environ une heure et demie. La préparation du gel n'est, elle non plus, plus nécessaire, ce qui rend inutile une autre étape d'environ une heure et demie. "On passe donc de trois/quatre heures à environ 10 minutes", explique le chercheur toulousain dans son laboratoire encombré d'impressionnants microscopes à fluorescence, seuls à même de lire l'ADN. "On a donc pas mal de succès", ajoute-t-il modestement.
La découverte a fait l'objet d'un accompagnement par Toulouse Tech Transfer (TTT), la Société d'accélération de transfert de technologies (SATT) de Midi-Pyrénées, soutenue par l'Agence nationale de la recherche. Un accord de licence a été signé avec la société toulousaine Picometrics Technologies,
spécialisée dans la détection haute sensibilité de fluorescence, qui a déjà établi une feuille de route de développement du produit.
"Le potentiel de cette technologie innovante est considérable",
estime le Laas. Car en réduisant le temps d'analyse nécessaire, on réduit le coût, même si cela n'est pas encore chiffrable. Le "MicroLAS" développé à Toulouse pourrait ainsi permettre d'accélérer les identifications en criminologie mais il tombe aussi à point nommé à l'heure où le marché des tests ADN est en plein essor.
Des entreprises américaines mettent ainsi sur le marché des tests censés prévoir les prédispositions à l'obésité, au cholestérol, au diabète... Une société évoque même la prochaine sortie d'un test de diagnostic de l'autisme. Sans aller jusque-là, le "MicroLAS" peut être une aubaine pour les tests de cancers génétiques, qui s'effectuent à partir d'une prise de sang, où l'ADN est en faible quantité. "C'est là où il est utile de disposer d'un outil simple", rappelle le chercheur de 39 ans.
Voir le reportage de Maxime Van Oudendycke et de Virginie Beaulieu :
La nouvelle méthode mise au point par un chercheur toulousain du CNRS permet d'analyser l'ADN en 10 minutes au lieu des 4 heures habituelles et ouvre des perspectives importantes pour la criminologie et le dépistage des cancers