L'Assemblée s'attelle à partir de mardi à un exercice quasi-impossible: dessiner une carte consensuelle des régions de France, en débattant du premier volet de la réforme voulue par François Hollande. Dans le Nord, l'absence de fusion avec la Picardie continue de faire débat...
On attendait davantage le Sénat, représentant selon la Constitution des collectivités locales, sur ce débat. Mais, sous l'effet d'une alliance hétéroclite entre communistes, radicaux de gauche et UMP, les sénateurs ont rejeté la carte proposée par le gouvernement, se privant ainsi du pouvoir de l'amender et laissant la main aux députés jusqu'à la seconde lecture prévue à l'automne.
Face à cette "page blanche" du Sénat, les députés, sous la proposition du rapporteur Carlos Da Silva (PS), suppléant de Manuel Valls, ont rétabli en commission la carte gouvernementale de 14 régions (au lieu des 22 actuelles) avec une seule modification: le Limousin uni à l'Aquitaine et non à la nouvelle région Centre-Poitou-Charentes.
Mais ce découpage frustre de nombreux députés, à droite comme à gauche, peu convaincus par l'argument présidentiel de "régions de taille européenne", en charge du développement économique. Dessinées selon l'UMP "sur un coin de table", ces régions sont pour l'écologiste François de Rugy le résultat d'un "mariage improbable entre la technocratie et les baronnies locales socialistes".
En dépit des avertissements du ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, selon lequel "il n'existe pas de carte qui respecte à la fois l'efficacité économique, les fleuves et les vallées et les préférences des coeurs", les amendements vont donc pleuvoir, même s'il n'est pas sûr qu'au final, lors du vote le 23 juillet, la carte soit très éloignée du "plus petit dénominateur commun" actuel, selon Carlos Da Silva.
Droit d'option en 2016
L'exercice est d'autant plus compliqué que le gouvernement a posé comme principe la fusion entre régions inchangées alors que les départements de ces régions ne regardent pas tous dans la même direction. Le droit de quitter une région pour une autre ne leur serait ouvert que dans un deuxième temps, en 2016, après les élections cantonales et régionales reportées par le projet de loi de mars à décembre 2015.Ce transfert devrait être approuvé par une majorité des trois cinquièmes du conseil général et des deux conseils régionaux concernés. "On aurait dû tout faire en même temps", déplore le député-maire du Touquet Daniel Fasquelle (UMP), partisan du rattachement de la Somme voisine à sa région.
Au nord, c'est Picardie-Champagne-Ardenne qui ne passe pas. Les Picards plaident en majorité pour un rattachement au Nord-Pas-de-Calais, mais Martine Aubry, maire de Lille, et Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, ont peur de voir un telle région aux mains du Front national en 2015.
Mais dans le Nord-Pas-de-Calais, de plus en plus d'élus de droite comme de gauche prône la fusion avec la Picardie. Nicolas Bays député de la 12ème circonscription du Pas-de-Calais (Liévin) dit ainsi que "ce rapprochement, qui semble naturel, nécessaire et inévitable fait son chemin chez les parlementaires de gauche du Nord et du Pas de Calais qui sont déjà une dizaine à défendre ce projet". Le député-maire UMP de Tourcoing Gérald Darmanin met aussi en avant la culture commune des deux régions , "historiquement liées". Ils rejoignent ainsi la position de certains industriels nordiste tels que Bruno Bonduelle ou Luc Doublet.
Les élus de Champagne-Ardenne se verraient, eux, davantage avec la Lorraine.
Plus globalement, l'UMP et l'UDI reprochent au gouvernement d'avoir commencé par "légiférer sur la carte avant de débattre des nouvelles compétences" des régions, ce qui se fera à l'automne dans un second projet de loi. Si on avait fait cela, "ils nous auraient reproché l'inverse", rétorque-t-on au PS. Les grandes lignes sont cependant connues: les grandes régions et des intercommunalités agrandies (ou des métropoles) verraient leurs compétences renforcées au détriment des conseils généraux. Ces derniers seraient voués à disparaître en 2020, sauf peut-être en zone rurale, via une réforme constitutionnelle. Le gouvernement espère à dix ou quinze ans au moins 12 milliards d'économies de cette réforme.