De l'extérieur, c'est en apparence un bar comme les autres, niché dans une rue du Vieux-Lille. Mais en entrant, "le comptoir de Cana" affiche la particularité d'être un bar catholique "où résonne l'Evangile" depuis son inauguration le 18 mars, selon ses concepteurs.
"On a à coeur d'essayer de toucher des jeunes et des moins jeunes qui n'ont jamais eu l'idée de rentrer dans une église... Et peut-être qu'il est plus facile de rentrer dans un bar", explique Benjamin Florin qui travaille pour le diocèse de Lille.Le jeune homme de 29 ans, un des instigateurs du projet, dit s'inspirer des messages du pape François qui a maintes fois exhorté l'Église catholique "à sortir d'elle-même" et à "surprendre".
Deux ans ont été nécessaires pour que le projet aboutisse, avec une "avance de frais" du diocèse pour racheter le fonds de commerce et décorer ce qui était auparavant une épicerie fine, non loin de la fameuse Grand'place et de l'imposant temple franc-maçon de la capitale des Flandres.
Douze bénévoles pour parler et se mettre à l'écoute
Un salarié travaille à plein temps, tandis que la douzaine de bénévoles "pourront donner un coup de main pour le service mais seront là principalement pour parler avec les gens, s'ils le souhaitent, et se mettre à l'écoute", explique Régis Héaulme, diacre, président de l'association "Le comptoir de Cana" et ancien directeur de collège.
Le symbole du bar, une bouche rouge, "évoque un endroit où l'on peut savourer des bonnes choses mais aussi échanger", poursuit-il. Quant au nom, il est une référence au miracle de Jésus qui avait changé l'eau en vin lors des célèbres noces.
Une fois assis au comptoir, on découvre les clins d'oeil au catholicisme. Le mot de passe du Wifi ? "DeoGratias". L'assiette de charcuterie ? "La planche du Frère Marc". Le carafon de vin? "La Madone". Et au-dessus de la pompe à bière trône une amusante figurine du pape François dans sa papamobile, tandis que sur la traditionnelle ardoise on peut lire un verset du livre de la sagesse de l'Ancien testament.
"Ils changent l'eau en bière"
Au-dessus de la glace, on distingue de nombreuses tasses à café suspendues à une barre, vides. Il s'agit du "caffè sospeso", une tradition venue de Naples et que l'on trouve déjà dans quelques bars en France : on commande deux cafés au bar, un pour soi et un autre pour une personne en difficulté. Une tradition qui est un dérivé au goût Moka du plat du pauvre, que l'on retrouve encore dans certains pays chrétiens, comme la Géorgie."Le café suspendu est un signe de fraternité avec celui qui ne peut pas s'offrir un café ou à qui on veut souhaiter la bienvenue", explique Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, qui se félicite de l'ouverture de ce bar "qui montre un monde catholique allant à la rencontre des autres". "Car notre désir est de rencontrer du monde, ce n'est pas de dire : "venez ici, vous allez devenir chrétiens"", poursuit Mgr Ulrich.
Aurélien, lui, n'est pas pratiquant, mais il n'en apprécie pas moins le lieu, notamment car la décoration aux tons chauds ne déborde pas de bondieuseries. "C'est décontracté et pas coincé, on se sent à l'aise", dit-il. Dans la salle du fond, Jérémie Deplanque, 23 ans, facteur de piano, se sent déjà "comme chez lui" au Comptoir de Cana. Et quand on lui apprend que les bénéfices du bar serviront exclusivement à soutenir des projets de voyage humanitaire, il sourit. "En plus, on va pouvoir picoler pour la bonne cause !"