Le Nordiste Bruno Dumont, qui a présenté "Ma Loute" vendredi en compétition à Cannes, filme les paysages et les habitants de son nord natal, "théâtre magnifique" d'une région qui a "conservé son caractère face à la mondialisation".
Depuis près de 20 ans, Bruno Dumont, né à Bailleul dans les Flandres, occupe une place à part dans le cinéma hexagonal. Pour le réalisateur de la série à succès "P'tit Quinquin" (2014), le Nord est avant tout un matériau qui lui permet de "s'envoler" et de "transfigurer le réel".
Cela donne la lumière bleu pâle tombant d'un ciel immense dans "Flandres" et "Hors Satan", ou le plafond bas et gris surplombant de vastes terres brunâtres dans "La vie de Jésus".
Pour "Ma Loute", "on a tendu vers une imagerie religieuse, en cassant la profondeur de champ pour rendre les personnages nets et les paysages un peu flous, avec le soleil à contre-jour", raconte Guillaume Deffontaines, chef opérateur de Bruno Dumont depuis "Camille Claudel 1915" (2013). Celui-ci raconte un cinéaste attentif aux fluctuations de la météo : "On tourne quoiqu'il arrive, même sous la tempête ou avec des contrastes de lumière délirants. Bruno aime se confronter à ça, c'est sa région".
"Le Nord est un théâtre magnifique pour représenter l'humanité toute entière"
"Le Nord est un théâtre magnifique pour représenter l'humanité toute entière. C'est le regard qui fait la grandeur du paysage et non le paysage en soi", confirme Dumont. Car loin d'être des cartes postales, visant à promouvoir sa région à l'instar d'un Dany Boon dans "Bienvenue chez les Ch'tis" (2008), les paysages de Dumont sont avant tout intérieurs. Le rouge vif des briques de Bailleul dans "La vie de Jésus" (1997) ressemble à des éclaboussures de rage et de désir projetées par ses jeunes héros. La pureté et le mysticisme de l'ermite dans "Hors Satan" (2011) s'étalent en nuances vertes sur les dunes de la Côte d'Opale.Le succès de la mini-série "P'tit Quinquin", vue sur Arte par 1,5 millions de téléspectateurs, a permis au cinéaste d'élargir son public. Mais rançon de la gloire, certains détracteurs y ont vu de la moquerie vis-à-vis des habitants d'Audresselles (Pas-de-Calais), malgré une tendresse et un registre comique évidents. Le reproche risque de ressurgir pour "Ma Loute", tourné non loin sur la Côte d'Opale, avec une famille qui se livre au cannibalisme.