Comment aider les réfugiés? Pour permettre aux bonnes volontés d'offrir leur hospitalité pendant un mois, un trimestre ou un an, un site internet propose de mettre en relation migrants et bénévoles, une initiative inspirée de l'économie du partage, et dont le succès ravit ses parrains.
"Je viens de recevoir un mail pour une chambre pour 3 à 4 mois sur Paris !" Dans les locaux de l'association Singa, Nathanaël Molle, le cofondateur du projet, s'enthousiasme. "C'est plutôt cool parce qu'on manque de logements sur Paris, alors que c'est l'endroit où on a le plus de réfugiés statutaires".
Depuis le lancement du projet il y a quelques jours, la fréquentation du site internet de Singa s'est emballée: près de 200 personnes se sont inscrites pour proposer qui une chambre, qui un hébergement d'"un mois pour commencer", avec une spontanéité aux antipodes du discours de repli souvent associé aux thèmes liés à l'immigration.
"On a tous types de familles parmi les inscrits: des agriculteurs, des banquiers, des gens qui vivent à la campagne, d'autres en ville, à Béziers, Montpellier, Bruxelles...", s'enthousiasme Alice Barbe, autre cofondatrice de Singa.
Lancée il y a deux ans pour faciliter l'insertion socio-économique des réfugiés, l'association espère, via ce nouveau projet, installer une première famille d'ici une dizaine de jours. L'initiative, baptisée "Calm" ("Comme à la maison"), est partie d'un constat simple : les réfugiés statutaires ont des droits -- notamment celui de travailler -- mais ils ne connaissent souvent aucun Français, n'ont aucun réseau, et cela bloque leur intégration.
Pourtant "les réfugiés ce sont des entrepreneurs, des talents, une source de richesse interculturelle, de créations d'emploi", assure Alice Barbe. D'où l'idée de leur trouver une solution temporaire de logement "pour se poser, mieux comprendre la société dans laquelle ils sont, rencontrer des Français et surtout pour plus de sérénité pendant toute cette période de stress et d'anxiété".
"Calm" ne concerne que les réfugiés, c'est-à-dire des personnes dont la demande d'asile a été acceptée - même si, parmi les bénévoles qui appellent l'association, beaucoup ne font pas la différence entre les divers statuts et veulent juste aider. "Beaucoup disent: +je n'ai pas de logement mais je voudrais faire quelque chose+", rapporte Nathanaël Molle. Un signe, selon lui, de la mobilisation provoquée par les drames à répétition aux frontières de l'Europe.
'Réveil'
"Il y a aujourd'hui un vrai réveil de la société civile sur cette question-là. On ne peut plus rester sans rien faire, c'est un message qu'on reçoit tout le temps", affirme-t-il, en soulignant combien il est important de lutter contre une image "misérabiliste" du réfugié. Les responsables de Singa multiplient actuellement les réunions avec les familles intéressées, pour les former et qu'elles s'engagent dans l'aventure dans les meilleures conditions."Il peut y avoir des différences culturelles sources de malentendus. Il est important par exemple que réfugiés et familles fixent une charte sur le fonctionnement au quotidien", explique Alice Barbe. L'engagement n'est pas financier, ni définitif : dans le cas où l'une des deux parties ne souhaite pas continuer la colocation, "on essaie de régler le problème mais si ça ne fonctionne pas, on arrête", assure-t-elle.
La petite équipe, qui combine esprit start-up et enthousiasme associatif, prépare déjà les prochaines étapes : lancement d'une campagne de financement participatif ("crowdfunding") fin septembre, mise en place d'un site internet dédié, développement dans toute la France, installation au Québec d'ici la fin de l'année...
Au-delà, l'association rêve de monter des projets similaires en Allemagne, en Belgique... Alice Barbe en est convaincue: "Si on donne une chance à ces réfugiés et si on améliore les conditions d'accueil, on peut arriver à une société ou le vivre-ensemble est possible pour tout le monde".