Alexandra Joris Bouvier veut alerter sur la violence et les dérives des réseaux sociaux. Juliette, sa fille de 15 ans, s'est suicidée le 1er mai 2021. Les enquêteurs évoquent le harcèlement sur un réseau social très prisé des jeunes.
C'est un cri du coeur. Celui d'une maman qui a vécu l'horreur le 1er mai 2021. Et qui depuis souffre de l'absence de Juliette. Alexandra Joris Bouvier a retrouvé sa fille de 15 ans pendue dans le salon familial à Pessac, près de Bordeaux.
"Elle avait, de manière très méthodique, posé son téléphone à deux mètres d’elle, son chargeur, le câble de son téléphone, elle voulait attirer l’attention." Pour la maman de l'adolescente, pas de doute. "Ma Juliette est rentrée dans ces pièges des Réseaux Sociaux".
Juliette, comme énormément d'ados de son âge, était très active sur Instagram. Très populaire avec 50 000 abonnés. "L'enquête fait état de harcèlement. On a poussé ma fille à mettre fin à ses jours. Il y a eu du harcèlement, c’est sûr" témoigne Alexandra Joris Bouvet.
Dès le lendemain, il y a un enfant qui est même allé jusqu’à poster des choses sur elle en se moquant de sa mort.
Une enquête est en cours. La police a saisi le téléphone et l'ordinateur de Juliette pour éplucher ses échanges et déterminer ce qui l'a fait passer à l'acte.
Transformer la douleur en combat utile
Alors, courageusement, Alexandra Joris Bouvet a publié sur le réseau social Linkedin un message pour raconter le drame et surtout pour interpeller car écrit-elle " Le harcèlement TUE "
"Mon histoire n'est malheureusement pas isolée. J'aimerais tellement que notre histoire puisse d'une manière ou d'une autre alerter les gens, sauver ne serait-ce qu'un enfant parce qu'on aura détecté ou trouver des solutions".
Sur son post, elle s'adresse à tous les adultes qui entourent ces enfants, ces adolescents vulnérables.
Je demande à tous les parents de jeunes qui entrent à l'école, au collège, au lycée, ainsi qu'au personnel du milieu scolaire de sensibiliser au maximum nos enfants... Si vous voyez qu'une personne a de la difficulté à se faire des amis ou subit de l'intimidation parce qu'elle n'a pas beaucoup d'amis, est gênée, pas aussi jolie, ou trop jolie, ou n'a pas les vêtements les plus cool, ou pas à votre goût .... S'IL VOUS PLAIT agissez! Dites-lui bonjour ou au moins faites-lui un sourire en la croisant. Et surtout NE JUGEZ PAS,
"C'était une fille qui s’intéressait à beaucoup de choses, elle avait de l’acné, elle expliquait comment elle avait fait pour en avoir moins. Elle était de tous les débats de son époque. L'écologie, les discriminations.... "
Juliette, comme beaucoup d'accros à ces réseaux, n'a pas pu décrocher à temps. "Elle a rencontré des gens formidables..mais elle a aussi rencontré des gens qui l'ont jugé. ..sans savoir ce qu'elle était vraiment. ..une jeune fille adorable, fragile, mal dans sa peau, complexée avec un immense manque de confiance en elle..." écrit-elle dans son témoignage posté.
"Je communiquais beaucoup avec Juliette à ce sujet là." Et quand sa maman voyait sa fille mal à l'aise, pas bien, elle lui disait de se mettre en retrait de ces réseaux. Elle répondait "C’est pas grave, je m’en fiche. Je vais arrêter, tu as raison."
Sa maman le sait " Au fond d’elle, je sais que ça lui faisait du mal." Elle essayait de la convaincre "Tous ces gens qui t’aiment sur Instagram ne connaissent pas la vraie Juliette. Il n’y a que moi, ta sœur, ton papa qui te connaissons vraiment."
Elle n’a pas pu maîtriser.
Le temps des questions
Alexandra s'interroge. Pourquoi est-ce aussi facile d'accéder à ces réseaux, sans filtre. "Un enfant peut s'inscrire, le réseau ne vérifie même pas la date de naissance."
"Les enjeux économiques sont gros, ils n’ont pas intérêt à bloquer" se désole-t-elle. La maman est prête à aller témoigner là où ça peut être utile, auprès des jeunes qui ont du mal à percevoir cette face cachée et toxique des réseaux. "Je veux que le départ de Juliette serve à quelque chose. "
Alors pourquoi ce geste désespéré ? "C’est sûr qu’il y a quelque chose qui a déclenché, qui a fait qu’elle a pris cette décision. "
Et qui ? L'enquête judiciaire devra le déterminer. "C’est long, mais de toute façon, ça ne change rien pour nous. Ca ne ramènera pas ma fille."
Alexandra déplore un manque de prise de conscience des enfants et surtout des adultes, un manque grandissant. " On a l'impression d’être dans un jeu ou un truc de téléréalité. Ils postent des horreurs sans filtre. Ca fait partie des choses sur lesquelles il faut agir. Où on va aller autrement ?"
Le réconfort est venu du collège Gerorges Rayet de Floirac où était scolarisé sa fille, en troisième. Alexandra Joris Bouvet a reçu " un immense soutien dès le décès de Juliette. Le responsable de l'établissement m'a dit « Vous aviez une fille extra, toujours prête à rendre service". J'ai reçu plein de lettres de profs et j'ai une enveloppe remplie de messages des élèves."