Insultes, menaces, humiliations, violences physique et psychologique, Mélanie a été victime de harcèlement scolaire pendant toute ses années collège dans la Vienne. Un témoignage glaçant en cette journée internationale contre la violence et le harcèlement en milieu scolaire.
Aujourd'hui Mélanie a 21 ans, mais quand elle raconte le cauchemar de ses années collège à Montmorillon (Vienne), les souvenirs sont précis, présents, vivaces. "Ça a commencé à l'entrée en sixième, et ça a duré pendant cinq ans. Quand je suis arrivée j'étais la plus petite en taille du collège, alors au début c'était des réflexions du genre "la maternelle c'est pas ici", après c'était sur mon aspect vestimentaire, "t'as trouvé tes habits dans une poubelle". Rapidement je me suis retrouvée complètement isolée, je mangeais tout le temps seule, on me versait le pichet d'eau dans ma nourriture."
Au fil des années, c'est monté crescendo
L'année suivante, aux remarques blessantes et aux humiliations viennent s'ajouter les menaces : "Soit tu inventes une excuse pour changer de place en cours, soit je te casse la gueule". "Il y en avait un qui n'avait jamais ses affaires, alors je devais lui donner les miennes sous peine de représailles."Puis en quatrième s'ajouteront des atteintes physiques : "On me poussait contre les murs, on me tapait derrière la tête, on me tirait la jambe dans l'escalier pour que je tombe, une fois ils ont essayé de m'étrangler avec mes vêtements ..."
Cette année-là, Mélanie perd son père dans des conditions dramatiques. "Ils m'ont laissée tranquille pendant deux semaines, et puis ça a repris de plus belle, jusqu'en avril où j'ai changé de collège". Elle se souvient d'une promesse qu'elle s'était faite à cette période-là : "Soit j'en parle pendant les vacances d'avril et je change de collège, soit je saute par la fenêtre".
Mélanie parle alors longuement à sa mère de tout ce qu'elle vit, qu'elle avait juste vaguement évoqué jusque-là. Elle change d'établissement mais rapidement le cauchemar recommence. Crachats, insultes, les humiliations reprennent, venant d'élèves, et d'une prof d'anglais qui régulièrement lui jette son cahier à la figure en lui disant "C'est nul, tu n'arriveras à rien ".
Un immense sentiment de solitude
Au-delà de ces blessures, ce qui reste en elle très présent de cette période, c'est un immense sentiment de solitude, face au silence des autres. Les autres élèves qui voyaient bien et ne disaient rien, et les adultes, qui même quand ils ont sû, n'ont rien fait. Dans le premier collège Mélanie a fait part au proviseur de ce qu'elle subissait, mais il n'y a eu aucune suite. Et dans le deuxième établissement, "le proviseur nous a convoquées et a engueulé ma mère pour avoir alerté la cellule harcèlement du département".Je n'étais pas bien, je me mutilais, j'avais toujours des idées noires. C'était invivable, je n'avais qu'une envie, que ça s'arrête.
"Ça détruit longtemps"
Sept ans plus tard, Mélanie se dit heureuse dans sa vie personnelle : "J'ai des amis, je suis bien entourée".Un suivi psychologique, qu'elle poursuit aujourd'hui encore, lui a permis de se réparer, mais elle a encore "énormément d'angoisses, de peurs du regard des autres".
Malgré la phobie scolaire qu'elle a développé, elle a suivi des cours par correspondance et obtenu le niveau CAP dans le domaine de la petite enfance, mais n'a pas réussi à se présenter à l'examen. Et à travers les expériences professionnelles quelle a eues depuis, elle constate : "J'ai vraiment besoin de tomber sur des gens bienveillants pour me sentir en confiance."
Ne jamais cesser d'en parler
"Ce qui a le plus d'incidence, c'est la parole des adultes. Quand ils nous soutiennent, quand ils n'agissent pas, ou encore pire quand ils participent" témoigne Mélanie. Et c'est ce qu'elle a envie de dire aux enfants victimes de harcèlement scolaire : "Il faut en parler, et si vous tombez sur des adultes qui ne vous écoutent pas, il faut aller en trouver d'autres, mais ne jamais cesser d'en parler."