C'est le procès d'un double braquage hors-norme, braquage "à l'ancienne", sans accroc, sans victime ni bavure, méticuleusement préparé, pour un butin record dépassant les 100 millions d'euros qui s'ouvre à partir de ce mardi 3 février à Paris : celui du prestigieux joailler Harry Winston
C'est d'un double braquage, extrêmement audacieux donc, à près d'un an d'intervalle, dont sont accusés huit hommes qui vont comparaître devant les assises de Paris jusqu'au 27 février.
Double braquage qui commence dans la matinée du 6 octobre 2007. Ce matin là, vers 10 heures, quatre malfaiteurs déguisés en peintres en bâtiment mais armés et cagoulés, braquent, l'un après l'autre à mesure de leur arrivée, les employés de la bijouterie Harry Winston, avenue Montaigne à Paris (8ème). Harry Winston est un joailler parmi les plus prestigieux au monde, présent dans toutes les grandes capitales et fréquenté par toutes les fortunes mondiales, industrielles, couronnées ou issues du "showbizz". Autant dire, un lieu ou dort une fortune considérable.
Ce jour-là, l'équipe de braqueurs s'était introduite la veille, par une porte de service de l'établissement, avec la complicité d'un vigile. Ils avaient passé la nuit sur place. Après avoir menacé, frappé puis ligoté les employés et contraint le directeur à désactiver les alarmes et ouvrir les coffres, ils s'emparent de 120 montres et 360 pièces de joaillerie, un butin estimé à plus de 32 millions d'euros. Le braquage aura duré moins de 30 minutes.
A peine plus d'un an après ce premier "joli coup", le 4 décembre 2008, quatre hommes dont trois sont déguisés en femmes, vêtements et perruques, pénètrent dans la boutique, cette fois par l'entrée principale, avec la complicité du même agent de sécurité qui n'avait pas été soupçonné la première fois.
Cette fois en moins de 20 minutes, l'équipe s'empare de 104 montres et 297 pièces de joaillerie, pour un total estimé à 71 millions d'euros. Le tout sans un coup de feu ni instant de panique. Tout juste après que les braqueurs aient rassemblé toutes les personnes, employés et clients, qui se trouvaient à l'intérieur des trois étages de la bijouterie, l'un des malfaiteurs lance-t-il, pour impressionner, un tonitruant « Personne ne bouge, sinon je fume tout le monde »
Compte tenu de l'énormité du total du vol (car les deux casses font du double braquage l'un des plus importants vols de bijoux jamais commis dans le monde) l'assureur, Lloyd's, offre 700 000 euros de récompense à qui permettra de retrouver les bijoux !
C'est à partir d'un renseignement parvenu aux gendarmes de l'office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) que les policiers ont remonté la piste des braqueurs avec écoutes et filatures, et celle des revendeurs. Certaines pierres, parfois retaillées, ont été écoulées à 25% de leur valeur en Israël ou sur le marché des diamantaires d'Anvers avec de faux certificats.
Mais après cinq ans d'enquête menée par la Brigade de répression du banditisme, 493 pièces restent introuvables.
Parmi les accusés poursuivis pour vol en bande organisée, complicité ou recel, figure une vieille connaissance des policiers, Douadi Yahiaoui, dit "doudou", 50 ans, qui a déjà purgé 23 ans de détention pour des vols et trafics de stupéfiants. Considéré comme le cerveau des deux casses, il minimise son rôle, se présentant commun un simple intermédiaire. C'est cependant dans son pavillon que les policiers ont mis la main sur la plus grande partie du butin récupéré, dont 19 bagues et trois boucles d'oreille estimées à 17 millions d'euros, dans une cache cimentée dissimulée dans un égout de récupération des eaux pluviales.
Autre personnage clef du dossier, Mouloud Djennad, 39 ans, agent de sécurité chez Harry Winston depuis juin 2007, qui a reconnu son implication dans les braquages, pour lesquels il a fourni à Daoudi Yahiaoui les informations sur la bijouterie. Six autres hommes, proches ou famille de Yahiaoui, sont co-accusés.
Le procès se déroule jusqu'au 27 février.