L'avocat général a requis mardi 12 ans de réclusion à l'encontre d'un proche du sénateur Serge Dassault, pour une tentative d'assassinat qui aurait été commise sur fond de soupçons d'achats de vote à Corbeil-Essonnes (Essonne).
Younès Bounouara, 43 ans, est jugé depuis une semaine devant la cour d'assises à Evry (Essonne) pour avoir tiré, le 19 février 2013, sur Fatah Hou, qui circulait en voiture dans le centre de Corbeil-Essonnes. Très grièvement blessé, ce boxeur professionnel conserve encore de lourdes séquelles. À l'origine des coups de feu, une vidéo pirate coréalisée en novembre 2012 par Fatah Hou dans le bureau de Serge Dassault. L'avionneur, maire de Corbeil entre 1995 et 2009, y reconnaît "avoir tout donné à Younès", après l'élection en 2010 de Jean-Pierre Bechter, l'un de ses fidèles qui lui a succédé à la mairie.
Un mois plus tard, Le Canard enchaîné s'appuie sur cet enregistrement et révèle que Younès Bounouara, relais de Serge Dassault aux Tarterêts, une cité sensible de Corbeil, a touché 1,7 million d'euros du sénateur Les Républicains et n'aurait pas redistribué l'argent "comme il devait le faire", selon Fatah Hou. Le milliardaire a confirmé un don de 2 millions d'euros qui était destiné, selon lui, à "financer un projet industriel en Algérie". Il a récusé les soupçons d'achat de votes, qui lui valent une mise en examen dans un autre dossier. Cités comme témoins par une partie civile, Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter n'ont pas honoré leurs convocations : le premier en raison d'un "voyage à l'étranger", le second pour "problèmes de santé", certificat médical à l'appui.
"Coup de stress"
Tout au long du procès, l'accusé a maintenu "ne pas avoir voulu tuer", invoquant un "tir accidentel", qui aurait été provoqué par l'intervention d'un proche venu le ceinturer. Des explications qui ont peiné à convaincre alors que l'accusé, sur écoute au moment des faits, avait prévenu plusieurs proches qu'il allait "canarder" sa victime à son passage. Des éléments accablants balayés faiblement par son avocat, Me David-Olivier Kaminski : "qui n'a jamais eu des paroles qui dépassent la pensée?" "Younès a agi dans un coup de stress, il a lâché prise avec la réalité", a-t-il expliqué, dans une longue plaidoirie achevée dans les sanglots."Une belle construction intellectuelle", a moqué l'avocat général, qui n'envisage qu'un scenario : "Younès Bounouara a tiré volontairement pour donner la mort". Pire : sans l'arrivée d'un tiers, "il aurait sans doute tiré les six cartouches" de son 357 Magnum. Nuancée, l'accusation a cependant souligné le parcours personnel difficile de l'accusé, "parti avec plein de handicaps dans la vie", dont la perte du père dès l'âge de 5 ans et une scolarité compliquée par une dyslexie. Puis, à l'adolescence, la rencontre avec Serge Dassault, qui vient de remporter la mairie en 1995. "Ça a été à la fois la chance et le sort de sa vie", a résumé Me David-Olivier Kaminski.
L'avionneur l'utilise comme relais dans le quartier des Tarterêts pour désamorcer les émeutes, très violentes à l'époque dans cette cité sensible. En échange, Bounouara crée plusieurs sociétés, dans le nettoyage et le bâtiment, qui raflent les marchés publics de la ville. "Il a été mon ascenseur social", a reconnu l'accusé. Devant la cour, Bounouara a expliqué son coup de sang par les menaces et harcèlements dont il était victime depuis plusieurs années. À la tête de cette "équipe", surnommée "Les Italiens" : Fatah Hou. L'avocate de l'intéressé, Me Marie Dosé, relève que "personne n'a porté plainte" contre son client. Puis ironise : "On dit qu'il fait peur, mais tout le monde est venu défiler pour dire tout le mal qu'il pense de lui (...) et réciter une leçon bien apprise".
Younès Bounouara encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu ce mercredi après-midi.