Abandonnés sur un îlot de l'océan Indien après un naufrage, ils ont survécu pendant 15 ans en recréant une micro-société. Le château des Ducs de Bretagne ouvre une grande exposition "Tromelin, l'île des esclaves oubliés" pour raconter cette aventure humaine

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250 ans plus tard, Nantes ressuscite les "esclaves oubliés" de l'île de Tromelin. L'histoire commence à Bayonne le 17 novembre 1760, d'où part l’Utile, un navire de la Compagnie française des Indes orientales, qui s’échouera le 31 juillet 1761 sur l’île de Sable. Aujourd’hui île Tromelin, un îlot désert, de 1 km² au large de Madagascar. L'Utile transporte 160 esclaves malgaches achetés en fraude, destinés à être vendus à l’île de France (l’Île Maurice actuelle). L’équipage regagne Madagascar sur une embarcation de fortune, laissant 80 esclaves sur l’île, avec la promesse de venir bientôt les rechercher.
Ce n’est que quinze ans plus tard, le 29 novembre 1776, que La Dauphine, placée sous le commandement du chevalier de Tromelin approche l’île. Les esclaves survivants, sept femmes et un enfant de huit mois, sont sauvés. Le chevalier donne alors son nom à l'île.


L'exposition "Tromelin, l'île des esclaves oubliés" est proposée simultanément à Nantes, où elle a été inaugurée vendredi par la ministre des Outre-Mer George Pau-Langevin, et dans l'océan Indien. Elle présente les résultats de quatre campagnes de fouilles menées entre 2006 et 2013 pour comprendre comment ces esclaves ont survécu.
"C'est une histoire très forte, intéressante en elle-même, qui permet de parler de l'esclavage et de dépasser l'histoire", explique l'un des commissaires de l'exposition, Max Guérout, du groupe de recherche en archéologie navale (Gran), à l'origine des fouilles.
L'exposition, historique et archéologique, s'ouvre sur une présentation de Tromelin, située à 560 km de La Réunion, à une altitude de 7 mètres, inhospitalière, quasidépourvue de végétation, balayée par les cyclones.



Unis pour survivre

Comment l'Utile, parti en pleine guerre de Sept Ans - principal conflit du XVIIIe siècle opposant notamment la France à l'Angleterre -, a-t-il pu s'y échouer ? Probablement à cause d'une erreur de navigation, "deux cartes avec deux positions de l'île différentes" étant à bord, rappelle M. Guérout.
Les cartes retraçant les routes empruntées par les navires de la Compagnie des Indes orientales, les documents d'armement, le récit de l'écrivain de bord - parmi les pièces maîtresses de l'exposition - permettent de savoir "à peu près tout sur le voyage et le naufrage", avant la première campagne de fouilles en 2006, éclaire Max Guérout.
Sur le site du naufrage, on trouve fûts de canons, fragments de cloche, balles de fusil. Les recherches sous-marines et terrestres ont également mis au jour de nombreux objets de la vie courante et ustensiles de cuisine fabriqués avec du cuivre et du plomb récupérés sur l'épave du navire.
Hameçons ou pointes de lances pour chasser tortues et sternes, l'essentiel de leur alimentation. Vaisselle rafistolée, briquets en silex sont exposés dans une salle entourée d'un voile blanc, recréant l'ambiance d'un chantier de fouilles, avec ventilateur simulant le vent et bruit de la mer et des oiseaux en fond sonore.


"Seuls trois ou quatre objets, dont un coquillage de triton et une cuillère en porcelaine, ont été fabriqués à l'aide d'éléments trouvés sur l'île", tous les
autres l'étant à partir de l'épave de l'Utile, raconte Thomas Romon, de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). "Ils se sont débrouillés avec leur environnement, sur une île où il n'y avait rien".
"Ces gens ne se connaissaient pas forcément, mais de toute évidence ils ont décidé de s'unir pour survivre", estime M. Romon, prenant pour preuve cette sorte de hameau découvert sur l'île, comprenant une douzaine de bâtiments groupés autour d'une cour centrale, dont une cuisine et des maisons "regroupées les unes contre les autres, à l'abri du vent".
"Ce sont des gens qui, malgré les difficultés pratiques et psychologiques énormes, ont réussi à vivre et reconstituer une petite société", s'émerveille Max Guérout.

Présentée jusqu'au 30 avril à Nantes, l'exposition fera escale au Musée de la Compagnie des Indes de Lorient, puis à Bordeaux, Bayonne, Marseille et sur l'île de Tatihou, au large du Cotentin.

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