Le tribunal d'Amiens a condamné à 7 mois de prison ferme un homme, déjà détenu dans la capitale picarde, pour "apologie du terrorisme". L'avocat de ce dernier invoquait "l'imbécillité" de son client et s'inquiète du "manque de discernement" de la Justice en cette période post-attentats.
Le tribunal d'Amiens a rendu l'une de ses premières condamnations pour "apologie du terrorisme", délit pénal depuis novembre 2014. Un détenu de la maison d'arrêt d'Amiens a été condamné à 7 mois de prison ferme, mercredi 28 janvier. Une peine également pour "usage de stupéfiants".
Jamal Ait Ichou, 33 ans, natif du Maroc et habitant des Mureaux (Yvelines), devait être libéré cet été après un séjour en prison pour des faits de dégradations. Son casier contient une vingtaine de condamnations.
Pour son avocat, Me Arnaud Godreuil, les juges ont manqué de discernement, emportés par l'esprit sécuritaire du moment. "On est dans l'air du temps, il y a eu une circulaire de la ministre de la Justice Christiane Taubira, on est dans le mouvement...", regrette-t-il.
Apologie du terrorisme ou "imbécillité" ?
Jamal Ait Ichou avoue avoir crié "Vive l'État islamique" au moment où, lors d'une fouille de sa cellule, il a vu des photos de famille et objets personnels tomber par terre. Mais selon les surveillants, le détenu est allé encore plus loin dans ses propos. Selon eux, le jeune homme a crié : "Vive Al-Qaïda. C'est bien fait ce qui arrive à la France. Dès que je sortirai d'ici, je ferai pareil. Je buterai un surveillant et je niquerai des Juifs. Les frères qui ont fait ça, ils auraient dû faire pire."
Entre la propagande et l'imbécillité, il faut savoir faire preuve de discernement.
Son avocat Me Godreuil n'y croit pas et considère que son client méritait, au pire, cinq mois d'emprisonnement pour outrage. Le juriste pense que les juges ont oublié que, dans une bouche ou dans une autre, les mêmes propos n'ont pas la même portée.
Il s'explique : "Par rapport au gamin que j'ai eu entre les mains, je ne suis pas certain qu'il sache vraiment de quoi il parle. Entre le dire et le penser, il y a un fossé. Entre la propagande et l'imbécillité, il faut savoir faire preuve de discernement, prendre du recul, pas être dans l'émotion et dans l'urgence."
"La porte ouverte à tout et n'importe quoi"
L'avocat amiénois livre ainsi son inquiétude. "Nous vivons dans un pays schizophrène : il y a quelques temps, on votait des lois pour sortir du tout-carcéral, maintenant c'est tout l'inverse, on demande rigueur et sévérité ; mais faire les choses dans l'urgence n'a jamais été bon", confie Me Godreuil.
Pour lui, la loi anti-terrorisme, la circulaire de Christiane Taubira, cette décision... "c'est la porte ouverte à tout et n’importe quoi." L'avocat regrette que le délit d'apologie du terrorisme, depuis son entrée dans le code pénal, n'a pas été précisément et publiquement défini par le législateur ou l'exécutif. "Le danger, c'est que ça devienne une infraction matérielle, explique le juriste. À partir du moment où on dit quelque chose, c'est de l'apologie ; alors qu'en droit, d'habitude, on s'intéresse aussi au caractère intentionnel des faits..."