L'heure est à l'augmentation du nombre d'animaux dans les fermes, notamment pour la production de lait. Après la polémique dans la Somme autour de la ferme des 1000 vaches, un projet de site rassemblant 550 bovins pourraient prochainement voir le jour en Charente.
Une ferme de 550 vaches laitières en Charente pourrait voir le jour d'ici deux ans. Selon certains syndicats agricoles, c'est une évolution inévitable de leurs métiers dans les prochaines années. Ils estiment que c'est un moyen pour le monde agricole de lutter pour avoir des revenus décents.
Ce genre de fermes pourraient suivre les modèles adoptés en Grande-Bretagne ou en Allemagne, où les cheptels peuvent rassembler 3.000 animaux, avec à la tête non plus des agriculteurs mais des investisseurs.
Leur démarche va à l'encontre de celle d'autres agricoles qui refusent ce qu'ils appellent une "industrialisation de l'agriculture".
Reportage de Anne-Marie Baillargé et Luc Barré
Des paysans refusent un modèle qui pour eux fait de leurs fermes des usines
Les fermes laitières sont-elles vouées au gigantisme ? Après la condamnation mardi à Amiens de neuf militants de la Confédération paysanne à des amendes à des peines allant jusqu'à cinq mois de prison avec sursis, le débat est ouvert. Une partie du monde agricole demeure opposée à ce mode de production, qu'elle qualifie d' "industriel".Les neuf militants de la Confédération paysanne étaient poursuivis pour des actions jugées délictueuses contre la ferme des 1.000 vaches, dans la Somme. Ils disaient refuser "l'agriculture industrielle".
A l'audience, mardi matin, ils ont invoqué la "désobéissance civile" pour justifier une action "syndicale" et "collective".
"C'est en menant des actions de protestation, de refus, de désobéissance civile, qu'on peut faire changer une loi", a déclaré l'un d'eux, Thierry Bonnamour, porte-parole de la Confédération en Savoie, devant le tribunal.
Tour à tour, les militants, interrogés sur les faits par la présidente du tribunal, ont préféré se concentrer sur les raisons qui les ont poussés à s'engager contre le projet de ce qu'ils nomment "usine": industrialisation de l'agriculture, pollution environnementale, difficultés des "petits paysans". Selon eux, la gravité de leurs actes --pneus dégonflés, pièces démontées-- est bien moindre pour la collectivité que celle du projet de ferme laitière géante.
"Vous appelez ça action syndicale, le code civil a une autre définition", a commenté Me Frank Berton, conseil de la partie civile.
"Le tribunal ne pourra pas faire autrement que condamner. On n'est pas là pour demander des peines exemplaires ou quoi que ce soit de lourd ou de grave. Mais pour dire 'il y a une loi à respecter' ", a déclaré l'avocat pendant la pause de l'audience. "Je comprends le combat politique, mais dans le respect de la loi", a-t-il ajouté.
Les parties civiles avaient estimé les dommages à 150.000 euros. A la députée EELV de la Somme Barbara Pompili qui, appelée comme témoin, a dit comprendre les actions engagées "en dernier recours", la présidente a demandé: "A partir de quand estimez-vous qu'on peut dégrader?".
A l'extérieur du tribunal, les manifestants ont organisé sur une scène montée par leurs soins un procès de l'industrialisation de l'agriculture.
Parmi eux, le maire de Drucat, Laurent Parsis, a exprimé le souhait que la ferme géante, qui a commencé à fonctionner à la mi-septembre avec un plafond de 500 laitières, ne dépasse pas ce niveau. "Mille vaches, ça va apporter des pollutions au niveau de la baie de Somme (située à 20 km ndlr) et ça deviendra l'ennemi de notre parc naturel régional", a-t-il estimé.
Les manifestants avaient entamé leur journée de protestation par une minute de silence en hommage à Rémi Fraisse, jeune homme tué dimanche par une explosion lors d'une confrontation avec la gendarmerie sur le site du barrage contesté de Sivens (Tarn).
L'ambiance restait cependant bon enfant. Un village de manifestants avec tentes, barnums, sono, stands d'alimentation bio et autres, a été monté, ainsi qu'une scène avec écran sous une grande banderole où l'on pouvait lire "nos fermes ne sont pas des usines".
Parmi les personnalités venus soutenir les militants se trouvait José Bové, ancien porte-parole de la Confédération paysanne.
"On a là un industriel qui n'a rien à voir avec l'agriculture qui met du fric parce qu'il a du fric qu'il a gagné dans le BTP, et il construit un processus pour
gagner de l'argent en fabriquant de l'énergie, et il utilise le moyen agricole parce qu'il y a des financements possibles etc... et avec ça il va faire du fric", a regretté le député européen, en parlant du porteur du projet des 1.000 vaches, Michel Ramery, qui s'est porté partie civile.
(avec AFP)