Pour un baiser, Nessim Ouadi a été condamné ce mercredi à 4 mois de prison ferme en Tunisie. Les charges ? Elles sont nombreuses: outrage à la pudeur, outrage à un fonctionnaire et refus d'obtempérer. Son amie a écopé de 3 mois de prison ferme.
Nessim, 33 ans, se trouvait à Tunis le week-end dernier lorsqu'il a été interpellé par la police en compagnie de son amie. Ils sortaient d'un bar du quartier de Gammarth et auraient échangé un baiser dans leur voiture. Leur avocat Ghazi Marbet a raconté leurs péripéties hier sur son compte Facebook:
"Au bout de deux minutes, une voiture de police arrive. Les flics (sic) leur demandent leurs pièces d'identité. Nessim, franco-algérien ne parle pas un mot en arabe. Son passeport est dans sa valise dans le coffre arrière. Les policiers lui crient dessus de suite, l'insultent et le font descendre de force. Il leur remet son passeport. Ils fouillent ses bagages puis la voiture partout même en dessous des tapis. Ils sont conduits au commissariat de police. Au bout d'une vingtaine de minutes, l'un des policiers vient vers eux pour leur annoncer qu'ils peuvent rentrer chez eux. Nessim se croyant en France: "Vous pensez que ça va s'arrêter là? Je veux vos noms et vos immatriculations. J'ai l'intention d'en parler à mon ambassade."
L'avocat insiste sur les nombreux vices de procédure comme le fait que son client "ne parle pas un mot d'arabe" que la présence d'un avocat leur aurait été refusée, tout comme la possibilité d'informer un proche.
Jugé mercredi par le tribunal cantonal de Carthage, ce Manosquin travaillant à Marseille, avait été mis en examen entre autres pour "acte sexuel". Il a finalement écopé de quatre mois et demi de prison ferme pour "atteinte à la pudeur", "refus d'obtempérer", "outrage à un fonctionnaire public" et "atteinte aux bonnes mœurs". Son amie tunisienne a quand à elle écopé de trois mois fermes pour "atteinte à la pudeur", "refus d'obtempérer" et "état d'ébriété sur la voie publique".
Me Mrabet annonce qu'il compte faire appel: "Il faudra non seulement les libérer mais également les débouter parce que le dossier est vide juridiquement au-delà des vices de procédures qui pourraient tout annuler.", a-t-il déclaré.
"Je ne dors plus, je ne mange plus"
Contactée au téléphone, Leila Haouala, mère de Nessim, s'insurge du traitement accordé par son fils et des "conditions de détention": "je ne sais pas comment sont les prisons tunisiennes mais j'ai peur pour lui". Depuis une semaine cette mère ne dort plus, ne mange plus. "J'ai la tête dans le brouillard. J'ai envie de crever", sanglote-t-elle, "Si j'avais su, si l'avait laissé m'appeler j'aurais pris un bateau, un cheval, un avion n'importe quoi pour être à ses côtés". Leila Haouala a pris ses billets, elle arrivera dimanche en Tunisie pour être auprès de Nessim: "J'ai demandé à son avocat de me donner des nouvelles dès que possible".
La fierté et les larmes dans la voix, Leila insiste sur le parcours brillant de son fils, tant universitaire que professionnel: "C'est un garçon intelligent, cultivé, respectueux". Le jeune homme travaille depuis août 2017 au sein de la société Somexport à Marseille après avoir travaillé un an en Tunisie. Entrepreneur dans l'informatique, il tente de développer en compagnie d'autres jeunes une application en Tunisie. Nessim s'est beaucoup investi pour l'entreprenariat dans la région PACA puis en Tunisie. Entre des multiples voyages à l'étranger et une expérience de VIE (Volontariat International en Entreprise) à Dubaï, Nessim est habitué du "respect de l'autre et de sa culture", rappelle sa mère. Surnommé "Nessim le bien élevé" par ses amis tunisiens, pour sa mère c'est impossible que le jeune homme ait pu manquer de respect, "encore moins envers un fonctionnaire".
Pour l'instant, Leila est "rassurée" par les multiples soutiens de son fils: ses amis rencontrés en Tunisie - "un pays merveilleux que toute la famille adore" - , ses proches mais aussi des intellectuels tunisiens. Face à ce tôlé, la maman espère que les choses vont bouger tant pour son fils que pour les autres jeunes. "Où va-t-on aujourd'hui? Il y a une police des moeurs désormais en Tunisie? Pour un simple baiser?", soupire-t-elle.
Les internautes soutiennent le couple
De nombreux Tunisiens se sont insurgés sur les réseaux sociaux du traitement de la justice et de la police. Ils s'alarment de l'état de leur pays en 2017, comme cette jeune femme sur son compte Facebook:
Dans le code pénal tunisien, les articles 226 et 226 bis indiquent les condamnations de six mois d'emprisonnement "quiconque se sera, sciemment, rendu coupable d'outrage public à la pudeur" et "quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d'une façon qui porte atteinte à la pudeur".
La loi tunisienne reste donc floue sur la définition des "bonnes moeurs" et laisse l'interprétation aux policiers ainsi qu'à la justice.