Le tribunal administratif de Nice, saisi du cas d'une famille érythréenne empêchée de demander l'asile en France, a tranché vendredi 31 mars en faveur de ces migrants, estimant que le préfet des Alpes-Maritimes avait porté une "atteinte grave au droit d'asile".
"En refusant de délivrer aux intéressés un dossier permettant l'enregistrement de leur demande d'asile, alors qu'ils se trouvent sur le territoire français et qu'ils ont pris contact avec les services de police et de gendarmerie pour y procéder, le préfet des Alpes-Maritimes a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile", a statué le juge Didier Sabroux, saisi en référé liberté.
Le juge a donné "trois jours ouvrés" au préfet "compte tenu de la vulnérabilité des requérants" pour enregistrer la demande du couple, Daniel T. et son épouse enceinte Salam K., arrivés en février en France avec leur fils de 4 ans après un périple entamé en septembre 2015 via l'Ethiopie, le Soudan, la Libye, puis la Sicile gagnée par la mer et enfin, Vintimille.
Hébergés chez Cédric Herrou, le plus connu des militants de l'association d'aide aux migrants de la vallée franco-italienne de la Roya, Roya Citoyenne, ils sont épaulés par deux de ses avocats. Ces derniers les avaient accompagnés déposer leur demande d'asile à la gendarmerie de Breil-sur-Roya le 16 mars, mais le couple avait trouvé porte close. Escortés par la police à Menton, ils avaient été refoulés au bout de trois heures vers l'Italie après que leurs empreintes digitales étaient apparues dans le fichier européen Eurodac.
"Si nous vous avons saisi aujourd'hui, c'est qu'il y a une accumulation de ces refus d'entrée et que vous êtes le seul garant de ces droits fondamentaux", a plaidé à l'audience une avocate des requérants, Me Mireille Damiano. "Le préfet dit 'nous les avons renvoyés vers le pays légalement compétent pour traiter leur demande d'asile' mais les pièces ne sont pas dans le dossier. L'acceptation par les Italiens doit être écrite et vous ne l'avez pas!", a de son côté dénoncé son confrère Me Zia Ouloumi.
"Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes a mis en oeuvre une procédure de réadmission en Italie après la prise des empreintes des intéressés et la vérification de leur présence dans le fichier Eurodac, comme il auraIt dû le faire s'il estimait que l'Italie était le pays responsable de l'examen de leur demande d'asile", indique l'ordonnance.
"Qu'est-ce qui les empêche d'aller à la préfecture ?", s'était enquis le juge à l'audience. "La vallée est bouclée", a répondu Me Mireille Damiano: "On ne peut pas ressortir sans passer par l'Italie, ou par les points de passage frontière que sont la gare de Breil et le barrage routier de Sospel", où la police interpelle et refoule les étrangers en situation irrégulière, ainsi que ceux qui les transportent bénévolement.
La préfecture des Alpes-Maritimes n'était pas représentée à l'audience.