Procès des viols de Mazan :"notre société doit changer", les 6 arguments qui pourraient le faire entrer dans l'histoire

Le procès de Mazan, qui se déroule actuellement, est qualifié par l’historienne Christelle Taraud comme un tournant. Elle souligne que ce procès représente une rupture avec les schémas habituels des affaires médiatisées de viols. Peut-on parler du procès de Mazan comme un procès historique ?

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Voici les 6 arguments développés  par Christelle Taraud, féministe et historienne française, auteur de 'féminicides, une histoire mondiale". Elle suit de près le procès des viols de Mazan, et nous aide à décrypter les raisons qui en font un procès rupture, qui laissera probablement une place dans l'histoire, alors qu'un appel à manifester pour soutenir Gisèle Pélicot est lancé pour ce samedi 14 septembre, dans toute la France. 

Les particularités de l'affaire Pelicot

L’historienne Christelle Taraud note que "c’est un procès qui fait rupture avec ce qu’on a l’habitude d’entendre dans les affaires de viols très médiatisés". Cette affaire se distingue par ses caractéristiques uniques. En effet, "c’est une affaire de viols qui s’étend sur plusieurs années, les violeurs sont nombreux, c’est impressionnant".

De plus, le cas de sédation, où la victime était lourdement inconsciente durant les faits, ajoute une dimension particulière à cette affaire. Christelle Taraud explique que "souvent, il s’agit de viols conjugaux ou intrafamiliaux", mais ici, la situation est exacerbée par l’implication du mari et la création d’une dynamique de viol en ligne impliquant, au moins, 50 hommes.

La position de Gisèle Pelicot : une figure "très digne, très courageuse et radicale"

La posture de Gisèle Pelicot, est également remarquée par Christelle Taraud. La position de cette femme "très digne, très courageuse et radicale" qui refuse le huis clos et choisit d’exposer publiquement son vécu, est soulignée. Même si avant elle, d’autres femmes comme Gisèle Halimi ont également fait ce choix. Gisèle Halimi encourageait les victimes à refuser le huis clos pour ne pas porter la honte qui ne leur revient pas. Elle ajoute : "le fait de publiciser ces affaires, c’est un espace de pédagogie pour toutes les femmes".

"C’est important de dire que c’est un procès qui fait rupture. C’est, entre autres, dû au fait à la personnalité de Gisèle", résume Christine Tanaud. A cela s’ajoute que dans la grande majorité des procès qui vont aux assises, on ne voit pas les victimes parce que huis clos, or là n’est pas le cas. Il y a une forte identification d’une manière et d’une autre. "Ce n’est pas la première fois que ça arrive, mais elle a ce profil de femme d’un certain âge qui est bouleversant, puis on la voit, on l’associe à un visage."

La manifestation nationale du samedi 14 septembre : "finie la minute de silence, maintenant, il faut hurler"

La manifestation nationale qui a lieu le samedi 14 septembre autour de ce procès est aussi un sujet d’analyse. Christelle Taraud explique que "la manifestation participe de cela, elle va donner à voir ce peuple féminin très malmené".

A Marseille, la manifestation est prévue 15H, place de la Joliette. 

Elle note : "La manifestation a aussi vocation à dire : nous ne ferons plus de minute de silence, maintenant, nous allons hurler, et peut-être que ça finira par rentrer dans les oreilles des gens. Il faut que nous changions la donne. Ce procès doit être une caisse de résonance que notre société doit changer."

Une réflexion sur les termes juridiques

Sur le plan juridique, Christelle Taraud évoque la réanimation du débat sur les définitions de viol et consentement. Cela a déjà le cas lors d’autres procès comme celui d’Aix, tient-elle à souligner. Le procès de Mazan pourrait être "le catalyseur des relations entre les hommes et les femmes. C’est un électrochoc, il va produire des choses bénéfiques". Celle-ci analyse le procès sous l’angle des relations hétérosexuelles et des dynamiques de pouvoir.

Elle explique que "la dimension d’écrasement des femmes, très ancienne, dans ce rapport dominant dominé" est mise en lumière. Elle souligne que cette affaire révèle une "appropriation du corps des femmes". Pour rappel, durant le procès, le mari, consentant, ne voyait pas le problème, tant que la femme ne consent pas, elle est sous contrôle". Cette affaire permet de "comprendre sur le monde hétérosexuel", offrant ainsi une perspective historique sur les relations de pouvoir.

Une couverture médiatique d’une grande ampleur

Au-delà des médias nationaux, plusieurs médias internationaux comme le New York Times ou la BBC ont suivi cette affaire, inéluctable. Christelle Taraud aborde également l’évolution de la couverture médiatique des affaires de viols.

Elle note qu'"aujourd’hui, je crois qu'il y a eu une prise de conscience, peut-être parce qu’il y a plus de femmes journalistes. Il y a un changement de traitement médiatique. On comprend qu’il faut faire attention aux mots, et au récit qu’on raconte. On sait que les médias sont un pouvoir et que ce pouvoir peut permettre une prise de conscience. Si on a un récit plus juste, on pourrait être une défense sans déni, ni agression."

La figure du monstre déconstruite

Enfin, Christelle Taraud discute de la notion de "monstre" dans le contexte des violeurs. Elle observe que cette figure permet de "laisser penser que les violeurs sont toujours les autres", alors qu’avec le procès de Mazan, on se rend compte, qu’effectivement, "ce sont des hommes normaux, sans aucune pathologie psychologique".

Elle affirme que le procès de Mazan est important pour "faire bouger les lignes" et changer cette perception. "Il y a aussi l'argument selon lequel les violeurs de femmes dans ce pays, c'est surtout une certaine catégorie d'hommes et pas d'autres, eh bien encore une fois l'argument tombe immédiatement, là, on les a tous."

Elle poursuit, "J'espère que ça va opérer un basculement historique. Aussi, ça nous engage à comprendre ce qu'est la sexualité dans le monde hétéro, et la pornographie qui prône la haine des femmes, et la misogynie qui continue de se répandre sur internet sans contrôle, donc c'est tout cela que ce procès exemplifie avec force, et peut-être qu'il s'agit d'un moment important pour remettre les compteurs à zéro et essayer de progresser ensemble vers quelque chose de respirable pour tous et toutes."

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