Faute de places dans la salle d'audience, le public se tourne vers la salle de retransmission du palais de justice d'Avignon pour suivre les débats qui animent le procès des viols de Mazan. Par curiosité, en soutien à Gisèle Pelicot ou pour essayer de comprendre, chacun a une bonne raison d'être présent ce 10 septembre, jour où Dominique Pelicot devait parler pour la première fois.
Depuis le premier jour du procès des viols de Mazan, que Gisèle Pelicot a souhaité publique "pour que la honte change de camp", le public est présent, et de plus en plus. Lors de l’audition de la victime, déjà les anonymes étaient nombreux à vouloir rentrer dans la salle d’audience et la salle de retransmission.
Mais pour ce septième jour de procès, où Dominique Pelicot devait s’exprimer à la barre pour la première fois, la salle des pas perdus du palais de justice d’Avignon grouille. À l’ouverture des portes du tribunal ce 10 septembre, certains se précipitent devant la salle Robert dans laquelle sont présents les accusés et leurs avocats, où les places sont très chères. D’autres misent tout sur la salle de retransmission et se faufilent de l’autre côté de la rubalise en tissu rouge. Impatients, ils attendent l’ouverture de la salle, gardée par des policiers. Les consignes sont claires : les téléphones doivent être éteints, aucun enregistrement, qu’il soit vidéo ou sonore, n’est autorisé, seules les cinquante premières personnes peuvent rentrer. Les autres devront attendre qu’une place se libère.
Les mordus des procès
"Comment en 10 ans, elle ne s’est rendu compte de rien ?", "Comment a-t-il pu faire cela, droguer sa femme et la faire violer ?", sont les questions qui résonnent dans la file d’attente. En quasi première position, Éliane, dans son chemisier fleuri, vient pour la seconde journée consécutive. Arrivée à 8 h 15 pour s’assurer de rentrer dans la salle de retransmission, ce n’est pas la première fois qu’elle assiste à un procès. "J’aime découvrir comment se déroule un procès, ça m’intéresse, même si on est dans la salle de retransmission et qu’on ne voit pas l’accusé", explique-t-elle. Aujourd’hui, elle est venue dans l’espoir de voir Dominique Pelicot s’exprimer.
Un espoir vite envolé puisque le président de la cour ouvre la séance en annonçant qu’il sera absent pour le deuxième jour consécutif. Il en faudra plus pour décourager Éliane, retraité qui a "tout le temps". "Je reviendrais tout au long que l’histoire sur lui sera abordée. C’est son personnage qui m’intéresse, mais je veux aussi entendre la défense. Ce qu’elle va réussir à dire, à trouver pour expliquer ces faits", ajoute-t-elle, effarée par ce qui est arrivé à Gisèle Pelicot. Elle ajoute que sa venue est également un soutien à la victime : "elle a levé le huis clos, donc c’est important de lui montrer qu’on est là."
Curiosité et soutien
Noémie a 26 ans. Si elle est là aujourd’hui, c’est parce qu’elle s’est sentie “proche” de cette affaire. “J’ai grandi à Bauduen, à deux pas de Mazan, là où a eu lieu ce crime. En me renseignant, je me suis rendu compte que le lieu de rendez-vous était mon collège. Même si je n’y étais pas à ce moment-là, je connais bien le lieu. Se dire qu’on est aussi proche, on se dit que tout peut arriver”, dit-elle, la voix fragile. Mais elle aussi, avec sa présence, apporte son soutien à Gisèle Pelicot, “qui a vécu l’enfer”. “C’est inhumain, donc c’est important de la soutenir”, réagit-elle quand on lui rappelle les faits.
Comme Éliane, elle souhaite aussi découvrir comment se passe “un procès comme celui-là”. Eléa, étudiante en droit, est venue pour voir “comment ils vont aborder ce procès”. Même s’il est “compliqué, en tant que femme, d’assister à ce procès, il faut la soutenir, qu’elle voit qu’elle n’est pas seule”, avant d'ajouter : "c’est un sujet qui touche notre société en profondeur avec la notion de consentement notamment. On peut toutes s’identifier à cela".
Comprendre
Parmi les nombreuses femmes présentes, en soutien ou par curiosité, Diego s’est fait une place. Venu de Marseille spécifiquement pour entendre Dominique Pelicot et “comprendre la psychologie des auteurs et voir comment on rend justice”, il explique essayer de sortir du côté émotionnel pour comprendre “comment 51 hommes ont pu faire la même chose, pourquoi personne n’a réagi”. “Je pense nécessairement que ça s’explique, et pour moi, le but d’un procès comme celui-là, c’est de comprendre”, justifie le jeune homme de 28 ans. Comprendre, “pour éviter que cela se reproduise”.
Malheureusement pour eux, Dominique Pelicot a été conduit à l’hôpital en raison de ses problèmes de santé.