Le feu vert de Bruxelles au transfert "en plusieurs lots" de la desserte assurée par la SNCM entre la Corse et le continent, annoncé mercredi par le gouvernement, a ravivé les craintes à Marseille d'un "démantèlement" de la compagnie maritime.
Après plusieurs mois de négociations avec la France, la Commission européenne "vient de donner son accord pour que la délégation de service public, en plusieurs lots, fasse partie de la reprise" de la SNCM, a annoncé mercredi le secrétaire d'Etat en charge des Transports, Alain Vidalies.
"C'est une étape importante" en vue d'une future reprise de la compagnie maritime placée en redressement judiciaire depuis le 28 novembre"
s'est-il félicité devant l'Assemblée nationale.
Cette reprise "est la seule solution pour éviter une liquidation complète et sauver environ 800 emplois", a martelé ensuite le secrétaire d'Etat dans un communiqué, indiquant que les administrateurs judiciaires de la compagnie maritime venaient de publier un appel d'offres incluant la délégation de service public (DSP) "allotie en plusieurs parties".
Renouvelée en septembre 2013 pour une durée de dix ans, la DSP maritime entre la Corse et le continent est partagée entre la SNCM et La Méridionale, filiale du groupe Stef.
Contactés par l'AFP, les administrateurs judiciaires de la SNCM n'étaient pas joignables en début de soirée
Mercredi soir, la CFE-CGC a rendu public à Marseille un document présenté comme le document envoyé par les administrateurs à la presse spécialisée et détaillant l'appel d'offres.
"Les offres peuvent porter sur une ou plusieurs liaisons maritimes, mais doivent être présentées liaison par liaison et ne doivent pas être indivisibles"
est-il écrit. Par ailleurs les offres devront être adressées aux administrateurs au plus
tard le 19 janvier, est-il précisé.
Vente à la découpe
Pour la CFE-CGC, "la commission et le gouvernement favorisent la vente à la découpe de la SNCM, de son actif naval, navire par navire et ligne par ligne", écrit le syndicat dans un communiqué, stigmatisant par ailleurs les actionnaires majoritaires,Véolia et Tansdev, qui "refusent de s'engager sur le financement de la période d'observation du redressement judiciaire".
"C'est le summum de la médiocrité"
a réagi Frédéric Alpozzo, secrétaire de la CGT-Marins à la SNCM. "On est bien sur un démantèlement de la SNCM", a affirmé le responsable syndical, qualifiant M. Vidalies de "ministre-voyou" qui se féliciterait, selon lui, "que la DSP soit découpée en morceaux".
"Cela revient à un démantèlement de la société"
a renchéri Christine Bonnefoi, avocate du comité d'entreprise de la SNCM. "On va parcelliser" la compagnie afin "de ne pas rembourser des aides indûment perçues", a-t-elle expliqué, en référence aux 440 millions d'euros d'aides publiques jugées illégales par la Commission européenne, qui exigeait leur remboursement.
Pour obtenir l'annulation de ces pénalités, l'Etat, actionnaire à 25% de la compagnie maritime, a soutenu son placement en redressement judiciaire, provoqué début novembre par l'actionnaire majoritaire (à 66%), Transdev, qui a exigé avec sa maison-mère
Veolia le remboursement de 117 millions d'euros de créances.
Avant le dénouement des tractations entre Paris et Bruxelles, la direction de la SNCM évoquait "cinq ou six" repreneurs potentiels, dont l'américain Baja Ferries.
Cette perspective ne ravit guère Patrick Mennucci, député (PS) des Bouches-du-Rhône, qui s'est dit "pas rassuré par le repreneur que l'on met en avant" et a déclaré redouter également "un début de démantèlement de la compagnie".
Seule Marie-Arlette Carlotti, ancienne ministre redevenue députée depuis le mois de mai, s'est réjouie d'un "succès du gouvernement", qui "améliorera fortement la possibilité de reprise de la SNCM".
Chroniquement déficitaire, la SNCM emploie environ 2.000 salariés, dont 1.500 en CDI, et fait vivre de nombreux sous-traitants sur le port de Marseille.
Une manifestation des syndicats est prévue vendredi à Ajaccio de la préfecture à la collectivité territoriale de Corse, où il seront reçus par les élus.