L'approche du démantèlement de la "Jungle" de Calais oblige l'Etat à trouver des milliers de places pour héberger les migrants en régions, une perspective qui inquiète dans certaines communes, sur fond de dénonciation du FN.
Selon un document interne du ministère de l'Intérieur révélé mardi par Le Figaro (édition abonnés), 12.000 places environ seront nécessaires d'ici la fin de l'année en France pour héberger les migrants venus du campement calaisien, qui ne cesse de grossir, et du futur centre de pré-accueil de Paris, qui orientera les migrants vers un hébergement plus pérenne. Toutes les régions, sauf l'Ile-de-France et la Corse, seront sollicitées.
Compte tenu de l'existant, "8.200 nouvelles places" en centres d'accueil et d'orientation (CAO) doivent encore être créées pour les héberger le temps qu'ils réfléchissent à une éventuelle demande d'asile, et "les orientations devraient commencer à la mi-octobre".
Selon la carte publiée par Le Figaro, le Grand Est devrait accueillir en tout 1332 migrants dans des "unités" de plus de 100 personnes. Il y aurait donc 959 places à créer. Contacté par France 3 Alsace, Philippe Richert, président de la région Grand Est, n'a pas souhaité s'exprimer. Il indique que cette problématique n'est pas de la compétence de la région, mais de l'Etat.
"Depuis un an, au total, 161 centres ont été créés un peu partout en France. Ils doivent recevoir entre 100 et 300 migrants. Le coût doit être de maximum 25 euros par jour et par personne", explique Clément Le Goff dans le journal de France 2.
Migrants : où vont-ils être accueillis ?
Pour l'Etat, le défi est immense, et s'inscrit dans le droit fil d'une "réponse équilibrée, associant humanité et fermeté, à la crise migratoire", selon Beauvau. Car il faut trouver les fameux hébergements -- dans des centres de vacances, des locaux de La Poste ou d'EDF...
Réunion houleuse
Le ministère de l'Intérieur se veut rassurant sur la coopération avec les élus: si le document dévoilé mardi estime que le recensement en amont des sites peut se faire sans leur aval, "ensuite bien entendu il y a une concertation" avec eux. Mais la perspective fait grincer des dents. A Forges-les-Bains (Essonne), le futur centre d'accueil pour migrants a été incendié la semaine dernière, et à l'issue d'une réunion d'information houleuse des aménagements ont été consentis (sur la capacité notamment: 91 places).Dans la Drôme, c'est à Allex (2.500 habitants) que la création d'un CAO fait question, dans un château qui accueillait jusqu'à fin 2015 un centre géré par le diaconat protestant. Une manifestation d'opposition organisée par le FN a réuni 200 personnes samedi (autant qu'une contre-manifestation) et un référendum local est prévu le 2 octobre. A Saint-Brévin (Loire-Atlantique), le maire DVD Yannick Haury a publiquement regretté avoir été "mis devant le fait accompli" avec l'arrivée prévue de 70 migrants dans un centre de vacances d'EDF.
Réactions très égoïstes
A moins de huit mois de la présidentielle, le sujet est éminemment politique. Le président (LR) de la région Paca Christian Estrosi s'est inquiété mardi de la création de "micro jungles de Calais". "On ne peut pas tenir un double discours: on ne peut pas constamment mettre en cause l'Etat sur le fait qu'il ne gère pas cette situation et en même temps s'étonner que l'Etat prenne en charge cette politique", a répondu sur iTélé la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, qui a dénoncé "des réactions très dures" à droite.La maire (LR) de Calais, Natacha Bouchart, a jugé pour sa part que le plan gouvernemental arrivait "beaucoup trop tard". "Depuis deux ;ans, nous subissons les événements. Le gouvernement ne maîtrise pas le phénomène", a-t-elle critiqué dans Le Parisien de mercredi. L'élue a fustigé également "certaines réactions très égoïstes" de la part de certaines communes appelées à accueillir des migrants. Au FN, on ne perd pas une occasion de dénoncer ces projets, que ce soit localement lors des manifestations ou réunions publiques, ou au niveau national en vilipendant le projet de répartition comme "parfaitement irresponsable".
Ces inquiétudes ne sont pas nouvelles. A Pouilly-en-Auxois (Côte d'Or), commune pionnière, l'arrivée de migrants avait divisé les 1.600 habitants du village en février 2015. Un an plus tard, les migrants "vivent comme nous, avec nous", affirmait à l'AFP le maire (SE) Bernard Milloir. Un phénomène classique, estime-t-on au ministère de l'Intérieur, où l'on souligne que les protestations restent minoritaires. A Peyrat-Le-Château, commune limousine de 926 habitants, le maire (PS) Stéphane Cambou témoigne ainsi de son expérience d'accueil, depuis novembre, d'un flux constant d'une cinquantaine de réfugiés de Calais, dans une colonie de vacances d'EDF.
"Tout ne s'est pas fait sans heurt", notamment au niveau des habitants "parfois réticents et inquiets. Mais pour finir tout se passe bien" et "les migrants eux-mêmes ont trouvé leur place". Clé du succès selon lui: "Nous avons montré à la population que nous avions mis en place tous les processus pour encadrer cette structure." Et "le monde associatif a joué le jeu".