En juillet 2022, à Douvres dans l'Ain, un jeune homme assassinait 5 membres de sa propre famille avant d'être abattu par les gendarmes du GIGN. Une tragédie qui a marqué Christophe Rode, procureur de la République. Il a souhaité que l'enquête aille à son terme, en dépit du décès du meurtrier.
"C'était une manière de respecter les familles et leur douleur que d'essayer de leur apporter le maximum de réponses". Ce sont des raisons éminemment humaines qu'évoque Christophe Rode pour expliquer qu'une enquête fouillée ait été menée après le quintuple meurtre de Douvres, dans l'Ain, en juillet 2022. Habituellement, lorsque le ou les auteurs d'un tel crime meurent au moment des faits, l'action judiciaire s'éteint et les enquêtes s'arrêtent. Cette fois, l'enquête a été menée à son terme, même s'il n'y aura pas de procès.
Christophe Rode est procureur de la République à Bourg-en-Bresse depuis 2016 et pour quelques jours encore. Un poste que l'on ne peut occuper plus de sept ans. Il sera bientôt avocat général à la cour d’appel de Lyon.
"J'ai tué ma famille..."
Cette tragédie familiale survenue à Douvres l'été dernier, ce quintuple meurtre commis par l'un des fils de la famille, c'est évidemment l'une des affaires les plus marquantes qu'ait connue le procureur de Bourg-en-Bresse ces dernières années.
Le 19 juillet 2022, vers 23 heures, les gendarmes reçoivent l’appel d'un jeune homme. Calmement, il dit avoir tué sa famille avec un sabre. Et il raccroche. Matthieu, 22 ans, vivait chez son père. Il l’a tué, tout comme sa belle-mère. Il a aussi assassiné sa sœur, Margaux, 15 ans, son demi-frère Eliott, 5 ans, ainsi que la fille de sa belle-mère, âgée de 17 ans.
Très vite, les gendarmes puis le GIGN arrivent sur les lieux. Le jeune homme est retranché dans la maison familiale. "Avant de donner l'assaut, le GIGN a parlementé avec lui une partie de la nuit pour l'inciter à se rendre. Malgré le professionnalisme des gendarmes puis du GIGN, la négociation a échoué et l'assaut a été donné" précise Christophe Rode. "Lorsque les gendarmes sont entrés dans la maison, ils se sont retrouvés face au jeune homme qui s'était recouvert le corps d'une sorte de carapace en carton pour se protéger. Il avait une arme à feu dans une main, un sabre dans l'autre et menaçait directement les gendarmes qui en état de légitime défense n'ont pu faire autrement que de tirer."
A l’intérieur, c'est une vision d’horreur que découvrent les forces de l'ordre. "Une scène de crime très traumatisante, y compris pour les gendarmes du GIGN".
Une personnalité fragile
Aujourd'hui, grâce à l'enquête, on en sait un peu plus sur la personnalité du jeune criminel. Christophe Rode tient à souligner que "c'était quelqu'un qui avait effectivement des fragilités, comme de nombreux jeunes de cet âge. Avec quelques passages à l'acte violents mais sans aucune mesure avec le caractère dramatique des faits qui ont été commis par la suite. Il avait bénéficié d'un suivi et de soins mais ni hospitalisation au long cours ni traitement massif. C'était un jeune homme bien intégré, qui travaillait, avec une vie sociale normale. Une personnalité assez courante..."
A quelques jours de son départ de Bourg-en-Bresse, le procureur Rode reste très marqué par cette affaire. "Malgré l'enquête, malgré les avis d'experts, on pourra éventuellement dire ce qui s'est passé, comment ça s'est passé mais pourquoi on en est arrivé là, je crois que l'on n'aura jamais la réponse."
Juste l'espoir que les familles brisées par ce drame aient pu trouver, grâce à cette enquête, un peu de réconfort.
Avec Franck Grassaud et Maryne Zammit