Le 11 novembre 2019, Le Teil était victime d'un tremblement de terre. Il est 11h52 lorsqu'un séisme de magnitude 5,4 sur l'échelle de Richter frappe la ville ardéchoise. Maisons éventrées, édifices détruits... C'est le choc pour les 8700 habitants. Le Teil n'a pas encore pansé ses plaies.
Par chance, le séisme n'a fait aucun mort. On a compté quatre blessés. Ce 11 novembre 2019, peu avant midi, un violent séisme secouait neuf communes ardéchoises et drômoises. Mais c'est sur le territoire du Teil que la secousse, d'une magnitude de 5,4 sur l'échelle de Richter, a fait le plus de dégâts. Le Teil a concentré près de 80% des destructions. Et le bilan matériel est lourd. Les inspections ont révélé près de 900 maisons endommagées ou détruites par la secousse. Certaines ne pourront jamais être réparées et sont vouées à la démolition. Le quartier de la Rouvière avec ses maisons anciennes a été particulièrement touché.
Des édifices publics et des écoles ont également été détruits. Certains bâtiments se sont partiellement effondrés. Le patrimoine n'a pas été épargné non plus : la petite église Saint-Etienne-de-Mélas, édifice millénaire situé près de l'épicentre, a beaucoup souffert. Après le séisme, la commune du Teil a été rapidement déclarée en état de catastrophe naturelle. Face à ce sinistre d'ampleur dont les dégâts se chiffrent en millions d'euros, le maire du Teil, Olivier Pévérelli a rédigé une lettre ouverte pour demander l'aide des communes de France.
Tourner la page mais pas oublier...
Avec des maisons déclarées inhabitables ou dangereuses, certains habitants se sont retrouvés sans logement. Certains ont tout perdu. La municipalité a été contrainte de réagir très vite, en ouvrant des gymnases pour accueillir les sinistrés. Il a fallu héberger en urgence près de 2000 personnes. Un an après le drame, les plaies ne sont toujours pas refermées chez certains Teillois. Mais pourtant, les sinistrés éprouvent un fort besoin de "positiver", "de se projeter" après les longs mois de galère et d'attente qui ont suivi le tremblement de terre. Et tous ont tenu à préciser : "il y a pire que moi!". Comme une forme de résilience."On a encore l'image qui tourne dans la tête... On est sorti le plus rapidement possible. Chaque soir, aux moindres vibrations, la scène revient..." raconte Raphaël. Chez lui, comme sa compagne Noémie, la peur du séisme est restée ancrée dans son esprit. Avec leurs deux enfants, ils étaient parmi les habitants relogés d'urgence au camping durant deux mois. Après quelques mois hébergés dans de la famille en appartement, ils ont acheté une maison à Montélimar. Aujourd'hui, ils construisent une nouvelle vie et un nouvel avenir : "c'est un renouveau, une nouvelle vie, un nouveau lieu. On s'est battu et on est arrivé à retrouver un toit".
La Rouvière, quartier meurtri
Les dossiers d'indemnisations sont encore loin d'être bouclés pour tous. Dans le quartier de la Rouvière, les démolitions ont débuté. La plupart des habitants sont restés sur place, tout près de leurs maisons sinistrées, vivant dans des mobiles homes ou des bungalows. Comme Sylvie qui garde le moral mais qui tient à faire une mise au point: "Quand on nous dit c'est les vacances dans le mobile home... ce n'est pas franchement des vacances en mobile home !". Sa maison a été démolie mais la Teilloise positive, "la démolition, ça fait partie du processus pour la reconstruction... pour ça il faut arriver à positiver. On y arrive... enfin nous, on y arrive" confie Sylvie.
"...encore une vision de guerre, d'apocalypse "
Pour Joseph et Marie-Josée, il ne reste plus grand chose de leur maison aménagée voilà 20 ans. Des murs lézardés, une façade soutenue par des étais, des espaces vides. Le sort de leur demeure dévastée est scellé : elle est vouée à la démolition. Le couple de retraités, qui voulait recommencer sans se déraciner, a pu racheter un logement à deux pas de leur habitation d'autrefois.
"Il faut tourner la page. Les bons souvenirs sont dans la tête" concède Joseph. Mais l'émotion est encore vive chez cet enfant du pays : "tous les jours, on passe devant. On voit cet étayage qui bloque la rue, ces fissures sur les murs... c'est encore une vision de guerre, d'apocalypse. C'est pas bon pour le moral."
Difficile de ne pas regarder en arrière pour cet Ardéchois très attaché à sa ville : "j'ai grandi ici, j'ai mes souvenirs ici, j'ai mes parents dont les sépultures ne sont pas loin..." confie-t-il. Joseph n'entend pas quitter la ville. "Mes filles sont parties du quartier, elles se sont éparpillées. Moi je suis ici, je suis bien." Teillois un jour ... Teillois, toujours !
Tête haute malgré des travaux qui s'éternisent...
Pour de nombreux habitants de la zone sinistrée, les conséquences du tremblement de terre se font encore sentir au quotidien. Ceux dont les réparations des maisons n'ont même pas encore commencé. Meriem, qui vit dans un studio à Montélimar en attendant la fin des travaux, se considère comme chanceuse.
"Je suis fatiguée mais comme ça avance quand même, je ne veux pas me plaindre." Et elle explique :"quand je vois la toiture, je vois l'avancement de mon chantier, c'est vrai que ça me touche au coeur," confie-t-elle. Et elle ne cache pas sa hâte de voir le chantier prendre afin de "retrouver une vie normale". Entre fatigue, résignation et envie d'aller de l'avant, les sentiments de Meriem sont très partagés : "Pour moi, parfois ce n'est pas réel ce qui se passe... et des fois c'est très dur." Malgré la lassitude, la Teilloise refuse de s'apitoyer sur son sort : "j'entends des personnes du Teil dans mon entourage, dans mon lieu de travail, qui me disent - j'ai seulement l'expert qui est venu. Je me dis que j'ai de la chance. C'est vrai j'ai de la chance."
Une vie en transit ...
Vivre le temporaire... Sonia, habitante de Viviers et mère de trois enfants, n'en peut plus. Sa maison sinistrée est toujours en chantier. Inhabitable. Elle est hébergée chez des amis. "On a des affaires partout. J'ai des affaires dans l'ancienne maison, j'ai des affaires chez mes parents, j'ai des affaires ici... c'est notre vie depuis un an. On ne fait que transiter en fait," explique cette mère de famille qui n'a "jamais l'esprit serein" et qui a "l'envie de partir sur un autre projet de vie". "Je pense qu'on va passer à autre chose avec les enfants, j'en ai besoin, ils en ont besoin..."
Mais un an après le séisme, au Teil, personne n'a pu tourner la page.