Comme Marjorie Souteyrat, une Ardéchoise qui a perdu son époux dans un accident, une centaine de Français font chaque année une demande d'autorisation de mariage à titre posthume auprès du Président de la République, le seul habilité à décider du bien-fondé ou non de la démarche. "C'est l'accomplissement de notre amour", explique t-elle.
Dans les petites rues du vieux village Félines, niché sur le piémont du massif du Pilat, là où des vignobles toisent le fleuve du Rhône depuis des siècles, l'histoire de Marjorie Souteyrat est bien connue. Cette habitante de la commune ardéchoise vient de se marier à titre posthume avec son mari, décédé deux ans plus tôt dans un accident de la route.
Le Président de la République en personne
Une telle démarche est rare. Et il est encore moins fréquent de voir une telle demande être acceptée. Le mariage à titre posthume est légal en France. Mais seul le Président de la République peut autoriser, par décret, la célébration du mariage entre deux conjoints, dont l'un est décédé. L'Elysée reçoit entre 50 et 100 demandes par an et l'arbitrage est ensuite à la discrétion du chef de l'Etat.
C'est l'accomplissement de notre amour. Je peux aussi après ça essayer de mieux tourner la page. Quand on se marie par mariage posthume, à l'instant où on est marié, on devient veuve (ou veuf)
Marjorie
Marjorie Souteyrat a eu gain de cause après avoir réuni les preuves que Grégoire Souteyrat avait bien la volonté de se marier avec elle, avant son décès brutal. Le mariage à titre posthume a été célébré dans la mairie de Félines, un jeudi de début décembre 2022.
"C'est l'accomplissement de notre amour. Je peux aussi après ça essayer de mieux tourner la page. Quand on se marie par mariage posthume, à l'instant où on est marié, on devient veuve (ou veuf)", confie Marjorie. D'un point de vue du droit, un mariage à titre posthume est rétroactif dans le sens où il est daté de la veille du décès de l'époux disparu.
Une loi réintroduite après une catastrophe dans le Var
En France, le mariage posthume est prévu et autorisé par l’article 171 du Code civil. Il avait d'abord été introduit pendant la Première Guerre mondiale pour que les femmes non mariées et enceintes d'hommes morts sur le front puissent avoir des enfants légitimes ou bénéficier de pensions. Ensuite rayé du Code civil, le mariage à titre posthume a été réintroduit à la suite de la rupture du barrage de Malpasset le dans le but de légitimer les enfants à naître alors que des pères étaient morts des suites de ce drame qui avait provoqué la mort de 423 personnes.
Assouplies en 2011, les conditions pour obtenir l'aval des autorités restent cependant difficiles à remplir. "Il faut que des formalités aient été engagées pour un mariage avant le décès avec une volonté clairement exprimée de la part du conjoint disparu. Il faut surtout pouvoir montrer que des formalités ont été engagées, la réservation d'une salle pour le mariage, des échanges de sms...", explique maître Sara Kébir, avocate au barreau de Lyon.
"J'ai 43 ans, il faut que j'essaye de regarder l'avenir"
Marjorie SouteyratVeuve
Toutefois, le mariage à titre posthume n'entraîne aucun droit de succession (comme si la personne décédée n'avait laissé aucun testament) au profit de l'époux survivant et aucun régime matrimonial n'est réputé avoir existé entre les époux. Quels sont alors les bénéfices pour le veuf ou la veuve ? Un mariage à titre posthume ouvre des droits liés au statut de veuf ou veuve et permet par exemple l'obtention d'une pension de réversion ou d'une assurance veuvage.
En même temps tellement beau dans l'acte
Lucie Ramier, maire qui a célébré le mariage
À Félines, le mariage de Marjorie Souteyrat a surtout laissé une émotion forte. "Je me dis qu'il sera toujours dans mon cœur. Mais après j'ai 43 ans, il faut que j'essaye de regarder l'avenir", raconte, émue, la mariée.
La maire de la commune, Lucie Ramier, est heureuse d'avoir permis cette union pas comme les autres. "Cela s'est très bien passé et la chaleur qu'on a apportée les uns aux autres a aidé à passer ce moment difficile, mais en même temps tellement beau dans l'acte".