Scandale sanitaire chez Tetra Médical : "tous ces bébés n'ont rien demandé", un fonds d'indemnisation bientôt saisi

L'avocat des ex-salariés de l'entreprise Tetra Médical, exposés à un gaz toxique pendant des années, a annoncé ce mercredi 6 septembre à Annonay, qu'il allait saisir le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides, au bénéfice des enfants des anciens employés "manifestement victimes de l'intoxication de leurs parents."

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"Il y a des enfants qui ont été manifestement victimes de l'intoxication de leurs parents. Nous allons proposer immédiatement de saisir le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP), une famille dont fait partie l'oxyde d'éthylène", a fait savoir mercredi 6 septembre Me François Lafforgue à Annonay à l'issue d'une réunion avec les anciens salariés de l'entreprise Tetra Médical.

Ces enfants seraient les victimes collatérales d'une exposition de leurs parents à l'oxyde d'éthylène. Ils sont surnommés les "Bébés Tetra". Au moment de leur conception et de leur naissance, leurs parents travaillaient dans ce laboratoire d'Annonay. 

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Gaz toxique chez Tétra Médical : des procédures vont être lancées pour les enfants des ex-salariés devant le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) - ©France tv 19/20

La réunion qui s'est tenue mercredi dans la Halle aux Muletiers a fait salle comble. Ces anciens salariés de Tétra Médical sont venus à la rencontre de Me Lafforgue et de la scientifique Annie Thébaud-Mony. Ce scandale sanitaire a éclaté voilà sept mois. Les inquiétudes et la colère sont toujours aussi vives. 

"Cancérogène, mutagène et reprotoxique"

Les ex-employés du laboratoire d'Annonay soupçonnent leur ancien employeur de les avoir exposés pendant des années à un gaz toxique et cancérigène : l'oxyde d'éthylène. Cette substance était utilisée par Tetra Médical, notamment dans son usine d'Annonay pour la stérilisation de matériel médical, compresses et kits chirurgicaux à usage unique. Cette exposition a duré jusqu'à la liquidation et à la fermeture en 2022. À l'époque, 160 personnes travaillaient encore sur le site ardéchois. Les anciens salariés dénoncent aujourd'hui une intoxication massive.

"Ce gaz fait partie de la famille des pesticides. L'oxyde d'éthylène, c'est cancérogène, mutagène, reprotoxique. C'est le pire qu'on puisse imaginer. Ça engendre des conséquences, non seulement pour la personne exposée, mais également et malheureusement pour sa descendance. C'est la particularité de ce dossier", a rappelé l'avocat devant l'assistance.

On s'est rendu compte au fil des mois qu'il y avait un nombre important d'enfants malades des suites de l'exposition de leurs parents à l'oxyde d'éthylène, avec des maladies rares, lourdes. Ça justifie à notre sens qu'on saisisse ce fonds d'indemnisation.

Me François Lafforgue

"Nous avons été sidérés de constater l'ampleur des dégâts, non seulement sur les parents, mais aussi sur les enfants, chez lesquels on retrouve sensiblement les mêmes problèmes", a indiqué Me Lafforgue, citant "des malformations, des tumeurs infantiles ou des problèmes neurologiques comme des lésions cérébrales" ou encore "des handicaps psychomoteurs sévères". 

À ce jour, cinq pathologies sont identifiées comme pouvant être en lien avec les pesticides : la leucémie, la tumeur cérébrale, la fente labio-palatine, l’hypospadias (malformation de la verge) et les troubles du neurodéveloppement.

"Je me pose des questions"

Dans la salle, lors de la réunion, Philippe, un ancien salarié, s'est manifesté : sa fille a contracté une tumeur au cerveau alors qu'elle était âgée de huit ans. Opération, paralysie faciale, perte d'un œil... les suites ont été lourdes. À sa naissance en 1991, son père avait été embauché deux ans plus tôt. Aujourd'hui, il veut savoir si sa fille a subi les répercussions de son exposition. "Je me pose des questions", explique l'ancien salarié qui n'avait jamais jusqu'à présent fait le rapprochement entre son travail et la tumeur de sa fille âgée de 32 ans. 

De son côté, Sabine oscille entre colère et angoisse. Comme son époux, elle a passé une partie de sa carrière chez Tetra Médical : "on a eu un enfant porteur d'une trisomie 21. Il a déclaré une leucémie à l'âge de 14 mois. On pensait qu'il était nécessaire de monter un dossier, d'entamer des démarches pour que le lien avec l'oxyde d'éthylène soit reconnu". 
Aujourd'hui, ces parents veulent que le préjudice de leurs enfants soit reconnu. "Mon combat, c'est mon fils ! On se rend compte qu'on est nombreux avec de gros problèmes", confie Aurélie dont l'enfant est porteur d'une malformation. "On réclame justice. Mon fils n'a rien demandé. Tous ces autres bébés Tétra n'ont rien demandé. Ils ont été empoisonnés alors qu'on ne faisait que travailler", ajoute cette maman en colère.

"Bébés Tetra"

Avec la chercheuse Annie Thébaud-Mony, Me Lafforgue a mené tout au long de la journée une douzaine d'entretiens avec des parents d'enfants ayant développé diverses maladies. "Au moins la moitié des cas" donneront lieu à un dépôt de dossier auprès du FIVP, dans l'attente d'éventuels autres signalements. 

"Pour moi, c'est très inquiétant de voir qu'une exposition professionnelle provoque, non seulement cancers, fausses couches et problèmes au niveau de la fécondité, mais aussi chez les enfants, des cancers, des troubles neurologiques graves, de la prématurité, des troubles de la thyroïde", a indiqué Annie Thébaud-Mony. Cette dernière est également coordinatrice de l'association Henri- Peizerat Travail Santé Environnement et spécialiste des maladies professionnelles.

"Les malformations, dans la mesure où l'oxyde d'éthylène a une action sur les chromosomes, il peut y avoir des aberrations chromosomiques qui vont entraîner diverses malformations", ajoute la scientifique qui évoque une "double peine" pour les personnes exposées, dont les enfants sont "potentiellement victimes de cette exposition". "Pourquoi ce gaz n'a-t-il pas été purement et simplement interdit ?" La scientifique s'interroge encore.

Procédures en cours

Outre ces dossiers qui seront déposés devant le FIVP, d'autres procédures sont en cours. Elles ont été rappelées lors cette réunion. 

De nombreux témoignages ont mis en cause les conditions de sécurité entourant son usage. Après l'ouverture en mars d'une enquête préliminaire par le parquet de Privas pour "mise en danger de la vie d'autrui", le pôle santé publique du parquet de Marseille s'est saisi du dossier. Une enquête est en cours qui pourrait déboucher sur une information judiciaire

Une procédure est par ailleurs en cours devant le Conseil de Prud'hommes d'Annonay : les dossiers de plus de 150 ex-salariés de Tétra Médical doivent être examinés avant la fin de l'année. Une audience pour préjudice d'anxiété est prévue le 21 novembre prochain pour quelque 130 personnes. Une autre audience doit se dérouler le 12 décembre pour une trentaine d'autres personnes. Une "troisième vague concernant les sous-traitants", notamment les entreprises de nettoyage, est prévue, mais non encore audiencée.

À ce jour, six ex-salariés ont aussi engagé des procédures en reconnaissance de maladies professionnelles pour des pathologies, "la plupart du temps cancéreuses". "Nous avons connaissance d'autres cas de cancers de personnes ayant travaillé chez Tetra Médical, dont certaines sont décédées. Les familles de ces personnes peuvent toujours agir, il n'est pas trop tard. Elles peuvent toujours obtenir la reconnaissance professionnelle de la maladie dont est mort leur proche, c'est envisageable", a rappelé Me Lafforgue à l'assistance.

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