A Grenoble, policiers et magistrats tirent la sonnette d'alarme et s'inquiètent de la banalisation des armes à feu liée au trafic de stupéfiants.
Un homme de 29 ans tué le 14 octobre à Gières à la suite d'une altercation. Fin septembre, un homme du même âge tué de cinq balles dans le thorax à Saint-Martin-d'Hères. Quelques jours plus tôt, un jeune homme de 22 ans mort des suites de ses blessures après avoir été victime de coups de feu à Grenoble. En juin, un jeune homme de 19 ans abattu à Saint-Martin-d'Hères...
Avec quatre morts par balles dans l'agglomération grenobloise depuis le début de l'année, policiers et magistrats s'inquiètent de ce regain de violence, lié notamment à une banalisation des armes à feu sur fond de trafic de drogue. En plus de ces quatre homicides, des échanges de coups de feu parfois spectaculaires ont retenti dans plusieurs quartiers de l'agglomération: place Bir-Hakeim à Grenoble en mai, place Saint-Bruno à Grenoble en juin, en août à Echirolles et quartier Teisseire à Grenoble en septembre.
Reportage C. Nicolas, N. Rapuc, M. Deville et E. Achard.
Liées au trafic de drogue, ces fusillades n'opposent en général pas de gros voyous comme lors de la guerre des gangs de 2007-2008, mais plutôt des petits caïds de quartier. "Pour la tenue d'un point de deal ou parce qu'on a une embrouille, on n'hésite pas à sortir une arme et à en faire usage. C'est un geste qui semble se banaliser dans la petite et la moyenne délinquance", indique une source policière. "On en arrive très facilement à des coups de feu ou à des coups de couteau pour un motif futile", ajoute la même source.
Des armes commandées sur Internet et livrées par La Poste
Peu réfléchis, pas préparés, les tirs se font souvent à visage découvert et devant témoins. A tel point qu'en juin, un jeune de 18 ans a tué par erreur un de ses amis à Saint-Martin-d'Hères en voulant faire fuir des agresseurs du quartier voisin. A l'origine de ces drames, une circulation d'armes importante. "Les armes blanches sont devenues d'une banalité extraordinaire", souligne Jean-Yves Coquillat, procureur de Grenoble.Quant aux armes à feu, elles sont "mutualisées" par les dealers qui les cachent dans des fourrés ou dans des poubelles et les dégainent en cas d'agression. En juin, un enfant de neuf ans avait ainsi trouvé un revolver chargé dans un bosquet du parc du quartier de la Villeneuve : il avait tiré à deux reprises, sans faire de victime heureusement. "C'est un phénomène majeur et préoccupant", souligne le procureur général de Grenoble, Paul Michel, qui a demandé la "plus grande fermeté" à l'égard des personnes arrêtées pour détention ou trafic d'armes.
Parmi celles qui circulent, certaines viennent du gros cambriolage d'une armurerie à Villette-de-Vienne (Isère), en novembre 2012: quelque 200 armes, dont des armes de guerre, y avaient été volées. D'autres sont commandées sur des sites internet d'Europe de l'Est et livrées par La Poste. Il peut enfin s'agir d'armes de chasse, extrêmement dangereuses, volées chez des particuliers. "Et encore, on évite beaucoup de drames car il y a régulièrement des saisies", souligne M. Coquillat.
En juin, les douaniers avaient intercepté sur l'autoroute deux hommes ramenant de Lyon un fusil d'assaut. Il était vraisemblablement destiné au quartier Saint-Bruno, en proie à de vives tensions entre dealers, appâtés par ce point de vente très lucratif près du centre-ville. La police judiciaire a récemment procédé à une vague d'interpellations après les violences dans ce quartier : trois suspects ont été écroués.