Coronavirus : en Italie, les bars et restaurants rouverts mais les clients ne se bousculent pas

Au lendemain du premier week-end de réouverture des bars et restaurants italiens, où est passée la ruée tant rêvée par les restaurateurs confinés d’Italie ? Les amateurs de bonne chair et les amoureux attablés en tête à tête pour fêter le déconfinement semblent encore aux abonnés absents.

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"Pour moi, boire à nouveau un café en terrasse, c’est le signe d’un petit retour à la normalité… ça fait tellement de bien ! Mais ce n’est qu’un début !" Paroles d’une habitante d’Aoste tout sourire en ce beau dimanche matin sur la piazza Chanoux, la place de l’hôtel de ville. De l’autre côté des alpes, c’est de notoriété publique, l’un des aspects les plus mal vécu du confinement décrété dès le 8 mars dernier par le gouvernement de Rome, a bel et bien été la fermeture des bars, bondés à chaque heure du jour et de la nuit par les amateurs de la sacro-sainte "pausa caffè" italienne.

 

Caffè : Tu nous as tant manqué !


Une tradition retrouvée, et donc célébrée dans toutes les villes de la péninsule samedi et dimanche dernier. A commencer par notre voisine turinoise, où le quotidien local "La Stampa" affichait ce matin, les photos, un peu inquiétantes, des manifestations de liesse populaire du week-end sur les rives du fleuve Po, le fleuve nourricier des agriculteurs du nord-italien, mais celui également des patrons des innombrables cafés et guinguettes qui jalonnent son parcours.

Autant de scènes qui font pourtant figures d’arbres de la liberté cachant la forêt de désillusions de toute une profession. Dans les locaux romains de la fédération des chambres de commerce italiennes, on affiche plutôt profil bas depuis une semaine. Sur les 333 000 bars, restaurants, pâtisseries ou glaciers que compte le pays, ce sont environ 90 000 qui n’auraient pas relevés leurs rideaux de fer.

 

30% des bars /restaurants ont dit : no !


Fermés pour faillite, parfois. Trop petits pour pouvoir appliquer les règles de distanciation sociales. Trop endettés pour pouvoir investir dans les panneaux d’information, les thermomètres pour mesurer la température des clients, les produits désinfectants les mains obligatoires en plusieurs points du local, le personnel pour stériliser, plusieurs fois par jour et tant que faire se peut, les espaces d’accueil du public.

 Tout cela pour quoi ? Pour remplir à peine une moitié de salle à cause de la distance obligatoire d’un mètre entre les tables ? Pour risquer un contrôle inopiné de la police locale, sanctionné en cas d’infraction par une amende allant de 400 à 4000 euros ?

"J’ai appelé presque tous les restaurateurs que je connais. Des petits, des grands, des fameux, des inconnus ; des propriétaires ou des gérants…" confiait en fin de semaine dernière Enzo Vizzari, un chroniqueur gastronomique interviewé par le quotidien économique  "Il Sole 24 ore". "Même parmi ceux qui, pendant le confinement, s’agitaient le plus pour rouvrir au plus vite. Aujourd’hui, ils me disent que plus on rouvre vite, plus on perd vite… et pas seulement à cause du nombre de places réduites qu’ils peuvent offrir à leur clientèle. Mais aussi, parce qu’il faut s’enlever de l’idée que retourner au restaurant après le confinement est une priorité pour les gens. Ils ont désormais moins d’argent. Et ils ont en plus maintenant, de vraies barrières psychologiques qui les empêchent d’envisager de se retrouver dans un lieu clos à côtés de malades potentiels."

 

Les restaurateurs de montagne guère mieux lotis


Hors les villes, en montagne, le panorama pourrait paraître plus lumineux, plus dégagé… or, il n’en est rien.

"Je vous prends 5 minutes de votre temps pour vous dire que je ne rouvrirai pas. Ni le 11 mai, ni même cet été." Qu’ils lui ont coûté à Daniele Pieiller, ces quelques mots écrits sur sa page Facebook. Le propriétaire de la chambre d’hôtes et restaurant "Alpe rebelle" à Bionaz en vallée d’Aoste, a eu bien du mal à se résoudre à suspendre son activité… jusqu’à quand ? Il ne le sait pas lui-même. Mais ce dont il est certain, c’est qu’il lui était impossible d’accueillir du monde dans le cadre sanitaire des plus restrictifs fixé par le gouvernement de Rome.

"Si j’avais rouvert, je me dirigeais tout droit vers la faillite assurée ! Même avec les aides promises par le gouvernement et la région… et dont on a, à peine vu la couleur pour le moment. Même avec des reports de charges d’un ou deux mois, les frais fixes de toutes façons restent à payer… et puis, quand on voit que toutes les manifestations estivales prévues dans la vallée sont reportées ou annulées, où va-t-on aller les chercher nos clients" ? "Mieux vaut attendre la fin de l’orage pour que les gens reviennent tranquilles !"

Même chez les chefs les plus renommés de la petite région francophone, le moral n’est pas au beau fixe. C’est le cas du chef étoilé au Michelin Agostino Buillas. Le patron du fameux "Café Quinson", de Morgex, dans la haute vallée d’Aoste, a lui aussi décidé de jeter l’éponge. Au moins pour l’été. Sans plus de certitude. Sinon celui de son choix : fait… et bien fait !

 

"Vous voyez mes clients avec des masques" ?


"Moi, ce que je propose, c’est une aventure gastronomique. Vous voyez mes clients, là, vivre avec des masques, des gants, un thermomètre pour prendre leurs températures corporelles ?"

Non, décidément, après trois mois d’inactivité, l’univers aseptisé qu’on lui propose pour renouer avec sa vie de Chef étoilé, ne convient pas du tout à Agostino. Et pas davantage à la chaleur, à la douceur du logis que depuis plus d’un siècle maintenant, sa famille et lui se sont ingéniés à créer.

"On ne peut même plus mettre nos cartes de menus historiques sur nos tables à cause du Covid. Toute commande doit être prise en ligne ! Non, je pense qu’il vaut mieux attendre des temps meilleurs pour que nos clients reviennent vraiment se détendre chez nous !"

Alors, à l’inverse, d’autres restaurants italiens qui attendent l’ouverture des frontières du 3 juin prochain pour faire à nouveau entrer la lumière sur leurs tables, le plus célèbre Café-restaurant de la vallée d’Aoste restera dans l’ombre. Celle d’un virus dont l’impact sanitaire continue tranquillement de baisser (12 morts du Covid dans le piémont et un seul dans la vallée d’Aoste la semaine dernière, des niveaux égaux aux premières heures de la pandémie) mais un virus qui est loin d’avoir fini de nous bousculer dans nos certitudes.

 
Les principales mesures obligatoires en Italie pour tout restaurant voulant rouvrir au public depuis le 18 mai
 
  • Panneaux d’affichage à l’entrée « compréhensible » par clients italiens et non italiens
  • Prise de températures à l’entrée et refus pour les clients mesurés à plus de 37,5°
  • Distributeurs de désinfectants en plusieurs endroits de l’établissement
  • Entrée du restaurant et toilettes désinfectés plusieurs fois par jour
  • Favoriser la réservation de tables et de menu en ligne
  • Tenir une liste des clients accueillis les 14 derniers jours
  • Pour les restaurants sans places assises, contingenter les entrées pour maintenir un mètre entre chaque client
  • Masque obligatoire pour le personnel et les clients debouts
  • Désinfection des tables entre chaque client
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