Trafic de drogue, fusillades, violences... dans les quartiers du haut de Valence, à Fontbarlettes et au Plan, la peur s'empare des habitants qui appellent à l'aide les pouvoir publics. Épisode 3 de notre série documentaire sur les quartiers prioritaires de Valence, la guérilla urbaine à quelques arrêts de bus du centre-ville
"La terreur. L'angoisse permanente. Le mal-être de nos enfants". A Valence, le quartier des Fontbarlettes, son marché aux étals chaleureux, le quartier du Plan, où l'on s'offre volontiers des cafés dans l'une des seules boutiques restées ouvertes... Tout ceci laisse aujourd'hui place à une toute autre réalité. Celle de femmes et familles, à l'agonie, encerclées par la violence et l'insécurité.
"Moi franchement, j’ai peur de tout. J’ai peur d’aller au marché, j’ai peur d’aller dans le parc. J’ai peur de laisser mes enfants dehors. La délinquance a pris le dessus sur les habitants", souligne, à visage couvert, une mère de famille résidant dans le quartier du Plan.
"Je vois des trucs sur l’Ukraine et je me dis ça se passe pareil dans mon quartier"
Dans ces secteurs, les violences urbaines sont synonymes de normalité. Depuis le premier janvier, pas moins de 9 coups de feu ont été tirés. Le dernier en date, samedi 14 janvier, a fait un blessé grave à coups de kalachnikov.
"Mes enfants dorment avec moi parce qu’ils ont peur. ‘Maman ça tire’. C’est infernal. Il faut le vivre. Ce n’est pas ‘pan’, ce sont des mitraillettes. On est en guerre. Je vois des trucs sur l’Ukraine et je me dis ça se passe pareil dans mon quartier", ajoute une autre habitante, également anonymement. "Ça ne choque même plus les gamins de voir des trafics de drogue, de trouver des seringues".
L'école, refuge des enfants
Habitués, les enfants ressortent malgré tout traumatisés. Et ce n'est pas avec les activités de quartiers qu'ils pourraient s'échapper. "Vous payez 10 balles de la journée pour que vos enfants, ils dessinent sur des tables du matin au soir. Au mieux, ils vont au parc", se plaint une résidente à bout de souffle.
"Avant mes trois grandes, elles allaient au centre. Il fallait voir les activités qu’elles faisaient. Elles allaient à la piscine. Maintenant, il a tout fermé pour que tous les habitants aillent au centre aquatique de la ville. Il croit vraiment que les gens de quartiers ont les moyens de payer le centre aquatique pour leurs gamins ? C’est 10 euros l’entrée."
Une résidente du quartier du Plan
Une boulangerie restée fermée longtemps, un coiffeur qui s'apprête à cesser son activité... petit à petit, les commerces désertent le secteur.
Seul refuge pour les enfants : l'école. "Les enfants seraient ceux qui vont le mieux quand ils viennent à l’école. Ils y trouvent la sécurité, qu’elle soit physique, qu’elle soit cognitive, qu’elle soit psychoaffective et à partir de la je pense que l’on a des enfants qui arrivent à laisser dehors un certain nombre de choses", explique Serge Bessède, directeur de l'école Pierre Brossolette.
"Des enfants de plus en plus perméables aux angoisses des parents"
Encore faut-il que les angoisses des parents ne déteignent pas sur eux. "Dans le quartier, qui est déjà suffisamment enfermant, on a des parents qui tout d’un coup ne parlaient plus et n’avaient plus de lieu pour s’exprimer", ajoute le directeur. Et derrière, des répercutions sur les enfants. "Aujourd’hui, on a senti des enfants qui sont de plus en plus perméables aux angoisses des parents".
Pour lui, pas question d'améliorer l'apprentissage des enfants dans ces quartiers sans prendre en compte la situation des parents. C'est pourquoi, l'établissement scolaire a mis à leur disposition une cellule d'écoute encadrée par des psychologues.
Elle a permis aux familles d'"exprimer leurs craintes, angoisses" pour que "ces problèmes soient pris en charge collectivement", souligne Pascal Clément, directeur académique de la Drôme.
Un dispositif qui donne la parole à ces personnes "invisibles", qui ne se sentent "pas légitime d'être là", "inexistante" et "pas écoutées". Si les pouvoirs publics veulent éviter que de nouveaux élèves ne quittent les bancs de l'école dans ces quartiers, à l'image de Pierre Brossolette qui a perdu une quarantaine d'enfants à la violence endémique aux alentours, "il faut réagir maintenant. Parler c’est bien mais il faut des actes", réagissent les habitantes du Plan et des Fontbarlettes.
La réponse des pouvoirs publics
La Préfète de la Drôme, Elodie Degiovanni, admet elle aussi qu'il faut résoudre le plus vite possible ces problèmes d'insécurité. "Mais notre action s'inscrit dans la durée" précise-t-elle.
Nous sommes présents partout où la municipalité peut l'être mais la sécurité relève du pouvoir de l'Etat et quand l'Etat ne prend pas ses responsabilité tout part à volo, on le voit en ce moment" estime Nicolas Daragon. "Les moyens d'action dont je dispose ne sont pas spectaculaires. L'essentiel des outils dont dispose l'Etat sont des outils de fonds qui s'inscrivent dans la durée." Des enquêtes de fonds pour lutter contre le trafic de stupéfiants sont en cours nous précisent les autorités et des diagnostics en soirée devront être menées pour mieux évaluer le sentiment d'insécurité des habitants.