Hervé Lauzier est producteur d’amendes et de lavande depuis 35 ans. Cet agriculteur drômois a traversé des moments difficiles. Jusqu’à ne plus voir d’issue. Moralement au plus bas, il a remonté la pente grâce au théâtre et à l’écriture de poèmes.
"Dans les amandiers, après une bonne journée, j'aime bien flâner, j'aime bien écouter la cigale saluant le soleil couchant... ". Cette poésie qui fleure bon la lavande et le sud, Hervé Lauzier l'a écrite sur ses terres, inspiré par la nature environnante. Avec son accent chantant, il récite sa prose champêtre avec la candeur d'un écolier.
Pourtant, tout n'a pas toujours été rose pour cet agriculteur drômois. Sa terre est cultivée par ses ancêtres depuis le 15ᵉ siècle. Malgré son amour de la terre, les crises traversées par le monde paysan depuis 30 ans ne l'ont pas épargné. Elles lui ont même donné des idées noires. Hervé Lauzier a bien failli sombrer. Depuis un an, le théâtre et l'écriture lui ont permis de remonter la pente.
Blues paysan
Aujourd'hui, Hervé se souvient de sa descente aux enfers et de l'engrenage qui aurait pu le conduire à l'irréparable. "C'est l'accumulation et la sensation d'avoir tout essayé et ça ne veut pas le faire. Au bout d'un moment, on a l'impression d'être un rat dans un labyrinthe. On tape aux portes, mais jamais aucune ne s'ouvre. Tu en as marre. Tu es tout seul dans ton métier, mais tu ne dis rien parce qu'il y a ta mère, ta femme, les gens que tu aimes. Tu ne dis rien, tu n'en parles pas… et un jour, tu en as plein le dos ! Ce n’est pas compliqué. D'ailleurs, il y en a deux par jour de suicides", explique Hervé Lauzier. C'est l'écriture qui l'a sauvé.
Poésie chasse spleen
Pour chasser son mal-être, il s'est lancé dans l'écriture. Un peu par hasard. "J'ai commencé à écrire le premier texte, l'an passé, à cette époque. Je l'ai montré à un collègue qui passait. Je n'avais jamais rien écrit de ma vie. Et il me dit ce n'est pas mal. Je le présente à une autre copine. Et puis huit jours après, j'en avais écrit un autre. Je pense que j'avais fait péter la digue", explique-t-il. Une renaissance à l'approche du printemps. Ce paysan dyslexique a trouvé son salut dans la poésie.
Ça me fait énormément de bien. C'est dans le texte qui s'appelle "Insomnie" que j'ai purgé le plus de choses. C'est pour ça que j'écris beaucoup.
Hervé Lauzieragriculteur et poète
"J'ai écrit un texte sur la dyslexie aussi. J'ai même une copine qui est maîtresse qui le fait lire à ses gamins. Ça fait plaisir. J'espère qu'elle ne reprend pas les fautes, mais ça, c'est une autre histoire", explique-t-il en riant.
Théâtre
Tout a commencé par une inscription à des cours de théâtre d'improvisation. Pour se changer les idées. Une révélation. "Des fois, après les cours, j'avais du mal à dormir parce qu'il y avait des choses que je n'avais jamais exprimées. À l'intérieur, ça m'avait secoué. (...) Je me suis mis à écrire un texte, deux textes, trois textes en me disant : si tu as des choses à l'intérieur, autant les coucher sur du papier si tu ne peux pas le dire".
Une fois par semaine, avec une bande de copains, ils répètent tous ensemble. Ils mettent en scène une pièce de théâtre à partir des lectures des textes d’Hervé. Et il a su toucher le cœur de ses camarades de répétition avec son écriture. "Je crois qu'Hervé, c'est un ascenseur émotionnel. Il peut nous faire autant rire que pleurer. On sent sa vie à travers ses textes. Il se livre complètement à travers ses textes", explique l'un d'eux.
Pour l'agriculteur, ces moments sont des pauses loin des soucis du quotidien. Une mise entre parenthèses salvatrice. Hervé veut continuer à être paysan encore une dizaine d’années. Il sait que l’avenir de la profession est incertain, mais il pourra désormais compter sur l’écriture et le théâtre comme exutoires.