Alors qu'aucune décision officielle n'a encore été prise concernant l'ouverture des stations de ski italiennes pour la période de Noël, les espoirs des professionnels ont été douchés par les récentes déclarations du Premier ministre, Giuseppe Conte, et de la chancelière allemande, Angela Merkel.
Magasins, hôtels et restaurants fermés : les stations de ski italiennes ont des airs de villes mortes. Et leur espoir de rouvrir avant Noël est désormais quasi nul, suscitant inquiétudes et désarroi, alors que la Suisse voisine a rouvert ses pistes.
A Sestrières, village olympique en 2006, les déclarations du chef du gouvernement, Giuseppe Conte, semblant exclure une réouverture avant Noël, puis celles de la chancelière allemande, Angela Merkel, en faveur d'une interdiction du ski dans l'Union européenne jusqu'au 10 janvier pour éviter de nouvelles contaminations au coronavirus, ont semé l'incompréhension. Le Premier ministre français, Jean Castex, a de son côté annoncé jeudi que les stations françaises pourront rouvrir pour les fêtes de fin d'année, mais pas les remontées mécaniques, suscitant l'ire des acteurs des stations de ski.
A Sestrières, la société de remontées mécaniques a d'ores et déjà annoncé que si elle ne pouvait pas travailler à Noël, elle ne rouvrirait probablement pas de la saison, qui devait démarrer le 5 décembre. "Une entreprise structurée comme la nôtre, qui emploie à plein régime 350 personnes, ne peut ouvrir le 10 janvier. Durant les vacances de Noël, nous encaissons 45% des recettes de la saison, si on nous les enlève, nous ne serons pas en mesure de partir" ou alors "seulement avec 4 remontées sur 45 en cas de bonnes conditions en terme de neige", explique Giovanni Brasso, président de Sestriere Spa. "Je suis très amer, car je suis convaincu que les stations pouvaient rouvrir en sécurité, en prenant les mesures nécessaires", comme en Suisse, dit-il, en évoquant une collaboration à mener avec les forces de l'ordre pour faire respecter "la distanciation physique et le port du masque".
"Economiquement, ce serait une perte hallucinante"
Gianfranco Martin, propriétaire de l'hôtel Lago Losetta près d'un petit lac, se désole : une fermeture à Noël représenterait "une perte de 60% du chiffre d'affaires annuel, un désastre". Et si les remontées ne redémarrent pas, la question de la réouverture avant plusieurs mois se posera, car la fréquentation sera "extrêmement limitée", face à des frais de fonctionnement d'au moins 2 000 euros par jour. "Nous sommes très inquiets et très pessimistes", souligne ce médaillé d'argent en combiné aux JO d'Albertville, en qualifiant de "misère" les aides reçues la saison passée, écourtée en raison du coronavirus.Autre problème à Sestrières en ce moment : l'absence de neige, un souci qui pourrait être résolu avec l'enneigement artificiel, mais au prix d'un investissement de 500 000 euros à ne réaliser qu'en cas de certitude sur l'évolution de la saison, note M. Martin.
Gérant du restaurant et bar Igloo, avec vue directe sur les pistes, tabourets en fourrure et grandes tables en bois, Massimo Fontana est plus nuancé : "économiquement, ce serait une perte hallucinante, mais si nous voulons sortir de cette situation (de pandémie), nous devons trouver un compromis", et "s'ils prennent une décision au niveau européen, peut-être pourrions-nous recevoir des aides".
"La chose la plus difficile est de ne pas savoir"
A 200 kilomètres plus au nord, également en zone "confinée", le village de Cervinia a, lui, ouvert une partie de ses pistes et remontées mécaniques, mais seulement pour les athlètes italiens ou internationaux, une des rares stations à le faire en Europe. Cette ouverture partielle "représente un grand sacrifice économique. Celle-ci s'inscrivait dans le cadre d'une ouverture totale des remontées en décembre", mais si elle n'est plus autorisée, il est "très probable qu'elles ferment" car "ce n'est pas tenable financièrement", explique Matteo Zanetti, PDG de Cervino Spa. Dans le cas d'une non-réouverture à Noël, "il faudra des aides importantes (de l'Etat) car le préjudice sera énorme", plaide-t-il.Propriétaire de deux magasins de sport et de location de skis, Gianlorenzo Vaudagnotto confie que "la chose la plus difficile est de ne pas savoir" quand recommencera la saison ; "on attend, on n'a rien à faire, tout le monde est affecté : les bars, les restaurants...". "On est fermé, on doit payer nos loyers, mais il n'y a rien qui rentre", explique le gérant de SkiCool, bandeau sportif bleu dans les cheveux.
Sur une piste ensoleillée, Erjon Tola, moniteur de ski à Cervinia et athlète concourant pour l'Albanie aux championnats du monde et aux JO, évoque lui aussi "une situation très critique". Pendant deux mois, au printemps, le trentenaire n'a perçu que les 600 euros de compensation versés par le gouvernement. "C'est injuste qu'on reste fermés, juge M. Vaudagnotto. Le ski, ce n'est pas comme une discothèque, on est seul et à l'air libre. En gérant bien la situation, on pourrait tous être ouverts [en Europe]."