Il y a 70 ans s'écrasait le Malabar Princess dans le massif du Mont-Blanc, faisant 48 morts. Des vestiges du crash ressurgissent encore de la glace. Ils sont aujourd'hui mis en péril par le réchauffement climatique.
Ce fut la première grande catastrophe aérienne dans le massif du Mont-Blanc. Le 3 novembre 1950, le Malabar Princess s'écrasait sur le glacier des Bossons, sur les hauteurs de Chamonix en Haute-Savoie. La carcasse de l'appareil, assurant le vol Air India 245 entre Bombay à Londres, a été découverte lors d'un survol aérien.
Les 48 passagers et membres d'équipage trouvent la mort dans ce crash qui se transformera en double drame. Car les recherches terrestres engagées dans une météo épouvantable se sont soldées par la mort d'un guide. René Payot, qui conduisait l'une des patrouilles de secours, a été tué dans une avalanche. L'origine du crash n'a jamais été élucidée.
Et l'histoire se répéta en 1966 avec le crash d'un autre avion d'Air India, le vol 101 assuré par le Boeing 707 Kangchenjunga sur la ligne Bombay - New York. Il s'écrasa presque au même endroit que le Malabar Princess. Le bilan humain est cette fois de 117 morts.
Des histoires qui refont surface à la faveur de la fonte des glaces. Journaux, vêtements, restes humains... La montagne recrache régulièrement des vestiges des deux crashes aériens, encore 70 ans plus tard. "Les objets sont conservés grâce à la glace, au froid", explique Eric Thirault, professeur de préhistoire à l'université de Lyon.
"C'est une course contre la montre"
Des trésors du passé mis en péril par la rapide fonte des glaces, due au réchauffement climatique. Car lorsqu'ils se retrouvent exposés à l'air libre, les vestiges "vont subir le chaud, le froid, l'humidité, le gel, etc. Et ils vont éclater, véritablement, poursuit le Dr Thirault. Le bois se décompose, les cuirs se décomposent... En quelques années, ils disparaissent complètement."
"C'est une course contre la montre qui est déjà un petit peu perdue puisque nous avons perdu beaucoup de temps à ne rien faire dans les Alpes françaises", indique-t-il. Les scientifiques estiment que des milliers d'objets risquent de disparaître.
Autant de traces de l'histoire souvent découvertes par des randonneurs et qui font les beaux jours de l'archéologie glaciaire. "Le mieux que nous puissions faire, c'est d'alerter, informer l'ensemble des usagers de la montagne, les professionnels, les randonneurs, etc. (...) La plupart des découvertes aujourd'hui sont le fait de randonneurs, de personnes qui ne sont pas des archéologues professionnels", ajoute Eric Thirault.
Les "chasseurs de mémoire"
Les deux crashes aériens du Mont-Blanc passionnent. Ils font naître des vocations comme celle de Daniel Roche, alias la "teigne des glaciers". Conservant précieusement toutes les pièces récoltées, il les remet aux familles ou à leurs descendants quand il les retrouve. Il a, par exemple, trouvé le sac à main, presqu'intact de la seule passagère française à bord du Kangchenjunga. Elle s'appelait Josette.
Il y a aussi Josée de Vérité, surnommée "la ferrailleuse du glacier". Elle a retrouvé des centaines de débris de carlingues dont elle a fait des sculptures. Pour leur redonner vie, en hommage, dit-elle, à ces disparus. Ceux des avions, mais aussi ceux qui ont été avalés par la montagne, le glacier.
Il a fallu attendre 2019 pour qu'un monument soit inauguré en mémoire des victimes des crashes aériens. Un empilement de pierres, symbole des itinéraires en montagne, érigé au Nid d'Aigle, point de départ de l'ascension du mont Blanc à plus de 2 000 mètres d'altitude.