REPORTAGE. UTMB 2023 : "Je suis au bout de ma vie", récit d'une TDS dantesque entre neige, pluie, froid et vent

La TDS (Traces des Ducs de Savoie), course au programme de la semaine de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc, s'achève ce mercredi 30 août dans la soirée. Pendant près de 40 heures, les quelque 1 650 coureurs engagés ont fait face à des conditions terribles, entre froid, neige, pluie et terrain boueux. Récit d'une course folle.

Lundi 28 août, 19h30. La nuit tombe sur la vallée de Chamonix. La pluie, elle, n'a jamais cessé de tomber. Un temps d'automne pour accueillir les premiers coureurs de cette semaine de l'UTMB. Ils affluent par dizaines sur le parking du Grépon, situé en marge du centre-ville, pour embarquer dans des bus. Direction Courmayeur, en Italie, et la ligne de départ de la TDS.

Ils le savent tous, mais gardent un sourire de façade : la course va être difficile avec près de 150 km et 9 000 mètres de dénivelé positif. Le départ doit être donné à minuit. On leur promet des conditions dantesques avec du vent, de la neige, de la boue tout au long du parcours... Après quelques kilomètres en Italie, le tracé se dirige ensuite vers la Savoie par le col du Petit Saint-Bernard avant de plonger dans le massif du Beaufortain pour gagner la vallée de Chamonix par les cols du Joly et du Tricot.

Avant de monter dans les bus, certains se protègent de la pluie avec des sacs-poubelles troués pour laisser passer les bras et la tête. Sylvain, lui, a trouvé refuge sous un des deux barnums installés sur le parking : "On sait qu'on va être mouillés, mais le moins possible sera le mieux. Au-delà de ça, le plus dur sera la neige, le froid et de courir avec les pieds mouillés."

François a déjà terminé la TDS l'année dernière. Mais ce coureur mosellan le concède, les conditions rajoutent "énormément de pression" : "A priori, nous avons juste 18 heures de mauvais temps devant nous", ironise-t-il uste avant d'embarquer.

Mardi 29 août, 0h40. La vingtaine de bus arrivent au compte-goutte à Courmayeur. À l'instar des conditions météorologiques, le trafic routier entre Chamonix et l'Italie est dantesque. Un éboulement survenu dimanche en Maurienne a provoqué le report du trafic des camions de marchandises vers le tunnel du Mont-Blanc. Tout est bloqué : la circulation pour rejoindre le tunnel transalpin est à l'arrêt.

On dirait un troupeau de vaches libérées de l'enclos à la sortie de l'hiver.

Sébastien.

Seuls les bus de l'UTMB, avec des centaines de coureurs à bord, sont autorisés à rejoindre l'accès au plus vite via une voie réservée. Une fois arrivés du côté italien, les traileurs sont invités à prendre le départ, retardé de près de 45 minutes à cause des circonstances. "Le départ est toujours impressionnant. On dirait un troupeau de vaches libérées de l'enclos à la sortie de l'hiver", plaisante Sébastien, qui gère la circulation des bus ce lundi soir. Minuit est passé de plus de quarante minutes : les "vaches" sont lancées à l'assaut des montagnes.

Mardi 29 août, 21h00. La nuit est retombée dans la vallée de Chamonix. Le Canadien Christian Meier a déjà franchi la ligne d'arrivée en première position tandis que la plupart des 1 650 coureurs sont encore engagés dans la montagne. Certains s'apprêtent à vivre leur deuxième nuit sur les sentiers. Toujours avec la pluie et le froid.

Christophe arrive au ravitaillement du Signal, au km 114 de la course, sur la chanson "The Final Countdown" du groupe "Europe". Une arrivée héroïque pour ce Breton : "Je suis concentré sur ce que je fais, mais les conditions ont été vraiment difficiles sur la première partie de la course entre Courmayeur et Bourg-Saint-Maurice."

Même son de cloche pour Mathieu : "Jusque-là ça se passait bien. Mais, là ça commence à être difficile à cause de la fatigue. Il n'y a pas forcément de douleur puisque mon corps m'a dit : 'ok, je te laisse avec ton idiotie pour aujourd'hui'. La fatigue avec la boue, ça devient difficile", raconte-t-il, la voix cassée par plus de 20 heures d'effort.

Comme lui, Vincent a les yeux rouges sous l'effet du vent et du froid. Les deux hommes se sont rencontrés sur le tracé et sont devenus des compères de course : "Ça permet de garder le sourire. Depuis ce matin, je l'ai. Et, plus je me rapproche de Chamonix, plus ce sourire va s'élargir", avoue Vincent.

Je garde le sourire parce que je ne vais pas pleurer, mais ça me gave.

Bertrand.

Le ravitaillement du Signal, le plus éloigné de la civilisation sur ce parcours de la TDS, prend des airs de refuge en ce mardi soir. Les bénévoles sont au petit soin pour les coureurs. Ils remplissent leurs gourdes, distribuent de la soupe et donnent de précieux conseils sur la suite du parcours. "Ici, il n'y a pas de famille, pas d'accompagnateur. Si vous n'avez pas de soutien quand vous avez un coup de mou, ça devient vraiment difficile. Alors on essaye de leur glisser un petit mot pour leur redonner du baume au cœur", explique Delphine, en charge du ravitaillement.

Les discours d'encouragement peinent à consoler Bertrand : "J'en ai ras-le-bol. Je suis au bout de ma vie. J'en ai marre, vraiment marre", raconte ce quinquagénaire. "Je garde le sourire parce que je ne vais pas pleurer, mais ça me gave", explique-t-il en riant. Comme Christophe, Vincent et Mathieu, Bertrand parviendra tout de même à rejoindre la ligne d'arrivée dans la nuit froide de cette TDS.

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