Le nombre de frontaliers actifs dans le canton de Genève est en constante augmentation, mais a connu une hausse particulièrement forte ces derniers mois : + 5,7 % au premier trimestre 2024. Rencontre avec ces Haut-Savoyards qui voyagent quotidiennement d’un pays à l’autre nous expliquent pourquoi ils ont fait ce choix.
Chaque jour, 61 000 passagers empruntent la ligne du Léman express. Ce mardi 7 mai en gare d’Annemasse (Haute-Savoie), la majorité de ceux qui montent à bord du train de 9 heures sont frontaliers et partent travailler à Genève. Andréa Rios dépose son élégant manteau rouge avant de s’asseoir. "Après la pandémie de Covid, explique-t-elle, pour moi, c’était le moment de décider ce que je voudrais pour mon futur. On a décidé de changer de pays, de vie, trouver une autre opportunité."
Depuis huit mois, la jeune Espagnole est intérimaire dans une organisation internationale. Un travail décroché après avoir multiplié pendant deux ans les petits boulots dans la restauration et décroché un contrat à durée déterminée en adéquation avec son master de relations internationales. "Un vrai combat" qui a fini par payer.
Je peux rêver d’avoir des choses pour moi, trouver un bon travail, avoir ma maison, ma petite famille. C’est pour ça qu’on a décidé de changer, laisser tout en Espagne et de commencer de nouveau ici.
Andréa Rios, intérimaire
Vivre entre deux pays : ce choix séduit de plus en plus de travailleurs dans la région genevoise. Selon les statistiques des autorités locales, le canton est le premier employeur de frontaliers étrangers avec 111 800 actifs, soit 28 % du total en Suisse. Un chiffre qui a connu en ce début d’année une croissance record : 5,7 % d’augmentation sur le premier trimestre 2024.
La restauration reste l'un des secteurs les plus prisés. La pénurie de personnel s'affiche d'un côté et de l’autre de la frontière. "Je suis arrivé le mercredi et le vendredi, je commençais à travailler en intérim !", confirme Loïc Loschiavo, un chef de rang rencontré dans un restaurant du centre-ville qui compte 40 % de personnel frontalier.
"Des coûts qu'on doit assumer"
Pour ces profils très recherchés, nos voisins ont des arguments à faire valoir. À commencer par la paye avec un salaire minimum d'environ 3 700 euros nets par mois : ici, cet habitant d'Annemasse indique toucher un peu moins de 3 800 euros mensuels nets – "hors pourboire, et on a pas mal de pourboires". "En plus, précise-t-il, je suis en 42 heures. En France, je faisais 60 heures pour 2200 euros nets."
C’est à la hauteur de notre travail. On fait un travail quand même qui est relativement physique, qui est aussi psychologique. […] Je pense qu’on est payés au mérite pour le coup. Le problème en France, c’est qu’il n’y a plus ce côté-là, et c’est pour ça que tout le monde s’en va.
Loïc Loschiavo, chef de rang
Il se dit "ravi" d’avoir quitté le Sud de la France et compte aujourd’hui "demander à être résident suisse pour avoir la nationalisation au bout de cinq ans." Car pour les habitués, les allers-retours s’accompagnent de contraintes. Stéphane Mony fait les trajets quotidiens depuis sept ans. Venu au départ pour une expérience de deux ans à l'étranger, ce caviste est resté dans la région après réflexion et quelques calculs.
"On a aussi des coûts qu’on doit assumer derrière, tempère-t-il. Le côté maladie, avec des assurances mensuelles qu’on paie et qui sont assez élevées. Également tous les coûts qu’il y a à la frontière, assez élevés si on compare à une ville française." L’augmentation du nombre de frontaliers accompagne aussi le dynamisme démographique de la région. Le grand Genève compte un million d'habitants et les projections sont encore à la hausse. La zone frontalière est celle qui pourrait connaître la plus forte augmentation de son nombre de ménages d'ici 2050.