Le retour progressif au travail en présentiel à mesure que l'épidémie de Covid-19 décline en France et en Suisse n'enchante pas tous les travailleurs frontaliers. Certains d'entre eux ont pris goût au télétravail, qui leur permet de passer moins de temps dans les transports. Témoignages.
Depuis le 9 juin, les entreprises françaises n'ont plus la nécessité de mettre leurs salariés, qui peuvent le faire, en télétravail systématique. La chute nette du nombre de nouveaux cas de Covid-19 en France permet en effet d'assouplir cette règle. Un retour à la normale apprécié par une large proportion de salariés qui se sont sentis isolés à la maison et pas toujours aussi à l'aise qu'au bureau pour travailler, que ce soit à cause de la présence d'enfants, de l'absence de pièce dédiée au télétravail ou d'une connexion internet défaillante.
Mais en Haute-Savoie, à la frontière avec la Suisse, certains travailleurs frontaliers confient qu'ils vont regretter les journées devant l'écran depuis la France. Pour passer d'une rive à l'autre du lac Léman, la congestion routière rend les déplacements entre le domicile et le lieu de travail très chronophages. Le télétravail imposé par de nombreuses entreprises suisses pendant les confinements a donc soulagé certains frontaliers qui ont trouvé un meilleur équilibre dans leur vie quotidienne en restant le plus souvent à tapoter sur les touches de leur clavier "at home".
"Je ne pense pas retourner à 100% au bureau"
"Je ne suis pas très chaud pour revenir à du présentiel tous les jours. Un maximum de 2 à 3 jours maximum à Genève ça m'irait bien", confie Maxime*, qui habite Annecy et travaille comme directeur financier pour une ONG à Genève. Il a été embauché à l'automne 2020 et a travaillé très majoritairement en télétravail depuis. Un luxe pour ce trentenaire père d'un jeune enfant, qui a pu profiter de sa vie de famille en fin de journée.
Sur les hauteurs de la banlieue d'Annemasse, Mathias travaille pour une entreprise nord-américaine spécialisée dans le négoce de matières premières et basée à Genève. Son employeur a décidé de généraliser le travail à domicile pour ses collaborateurs dès septembre 2020. Depuis quelques semaines, cette politique s'est assouplie. "On a le droit de retourner au bureau quelques jours par semaine sur demande et approbation du manager. Ils parlent de rouvrir les bureaux avec plus de flexibilité aux personnes qui souhaitent déclarer qu'elles sont vaccinées", dit-il.
"Cela me fera moins de transport et m'offrira un bien meilleur équilibre, avec un gain de temps pour moi".
Ce cadre, qui supervise les opérations réalisées par les traders de l'entreprise, a pris goût au travail à distance. "Très clairement, je ne pense pas retourner à 100% au bureau. J'aimerais faire deux jours à la maison et trois jours au bureau, car pour des raisons fiscales il faut que je sois présent 50% en Suisse pour respecter les accords bilatéraux. Cela me fera moins de transport et m'offrira un bien meilleur équilibre, avec un gain de temps pour moi. Je suis aussi plus efficace parfois à la maison qu'au bureau. Le fait d'y retourner, c'est surtout pour le lien social, la formation et les projets qui avancent mieux en direct", ajoute Mathias.
La Suisse a autorisé un assouplissement jusqu'au 30 juin
Depuis le début de l'épidémie de Covid-19, l’Office fédéral suisse des assurances sociales a assoupli les restrictions concernant le travail des frontaliers pour juguler la crise sanitaire. Le 26 novembre 2020, l'Office fédéral avait indiqué sur son site web que la prolongation de l'accord amiable sur le télétravail des frontaliers était poussée jusqu'au 30 juin 2021. L’organisme rappelait cependant le caractère exceptionnel de la mesure. "Une fois la situation sanitaire revenue à la normale, les règles habituelles en matière d’assujettissement s’appliqueront à nouveau pleinement", notait l'Office fédéral. Une nouvelle prolongation de cet accord n'est pas exclue, mais les nouvelles discussions n'auront pas lieu avant la "fin du mois de juin", selon l'Office fédéral.
Les travailleurs frontaliers peuvent exercer leur activité depuis leur domicile sans qu’eux ou leurs employeurs n’aient à payer d’impôts et de cotisations sociales en France si ce travail en distanciel ne dépasse pas 25% du temps de travail, indique le ministère du Travail français. "Pour les frontaliers il y a la législation qui en temps normal impose 75% de présentiel", soupire en effet Maxime, qui se rend en voiture à Genève. "Deux ou trois jours au bureau, c'est le bon équilibre. Pour le moment, on est encore en télétravail sauf si impératif. Mais il est prévu un retour progressif dans les mois à venir", poursuit-il.
Selon la RTS, le média public suisse, 80% des télétravailleurs frontaliers souhaitaient prolonger cette expérience après le premier confinement au printemps 2020. "J'ai des gens qui me consultent sur cette question. Le sujet est très épineux. Les députés français de la zone frontalière ont essayé de pousser le projet au parlement. mais il faut aussi avoir un accord des Suisses. Les enjeux sont tellement importants au niveau des cotisations, de la fiscalité", raconte David Talerman, frontalier et fondateur du site web travailler-en-suisse.ch.
*le prénom a été changé