Deux poussins gypaètes barbus ont quitté le nid et pris leur envol cet été en Haute-Savoie. Ce nombre peu élevé de nouveau-nés illustre la fragilité d'une espèce toujours en phase de réinstallation. Le rapace avait totalement disparu des Alpes au début du 20e siècle.
Seuls deux jeunes gypaètes barbus nés en Haute-Savoie ont finalement pu prendre leur envol cet été. Une année "moyenne" pour les scientifiques qui montre que l'espèce reste fragile. La population de rapaces continue tout de même à augmenter dans les Alpes.
Ils s'appellent Sunny et Belle Etoile. Ils sont nés et ont grandi au printemps, accrochés dans un nid situé dans le massif du Bargy. Au mois de juillet dernier, ils se sont finalement envolés. Sunny et Belle Etoile sont deux Gypaètes Barbus, nés pour le premier d'un couple repéré au Reposoir (Bargy Sud) et pour le second du couple du Mont-Saxonnex (Bargy Nord), apprend-on dans un communiqué du Conservatoire d'espaces naturels de Haute-Savoie. Les deux gypaètes sont les deux seuls poussins de l'espèce nés des cinq couples présents dans le département, à avoir survécu cette année.
"Quand les couples ont un poussin, on est content", explique Anne-Laurence Mazenq, chargée de communication au Conservatoire. "Les jeunes ne se reproduisent pas avant l'âge de 7 ans. Il faut qu'ils puissent se mettre en couple, puis qu'ils nichent", poursuit-elle. Les rapaces doivent ensuite survivre et ce n'est pas gagné d'avance. Deux poussins, nés des couples de Magland et de Sixt-fer-à-cheval, n'ont ainsi pas survécu. Ce faible nombre de poussins illustre la fragilité de l'espèce : "on a une espèce qui va plutôt bien, mais qui reste fragile, à cause de cette reproduction longue et difficile, une espèce qui reste à surveiller", conclut Anne-Laurence Mazenq.
De plus en plus de couples qui s'installent
Une année "moyenne" reconnaît Etienne Marlé, technicien faune au Conservatoire. "On a plutôt trois ou quatre poussins, les autres années", détaille-t-il. Rien d'inquiétant pourtant, car les gypaètes sont toujours en phase de réinstallation dans les Alpes. "On a de plus en plus de couples qui s'installent et c'est ce qui est important", détaille Etienne Marlé.
Suspecté d'enlever les moutons, et même des enfants, le gypaète a été chassé par l'homme au début du 20e siècle. Son envergure, jusqu'à trois mètres, son oeil "diabolique" cerclé de rouge, et son habitude de se baigner dans les flaques d'eau ferrugineuse, "rouge sang", autant de caractéristiques qui effrayaient à l'époque. Complètement éradiqué dans les Alpes, le rapace est peu à peu réintroduit depuis les années 80. Cinq couples sont aujourd'hui recensés en Haute-Savoie, un peu plus dans le département voisin de la Savoie. Au total, ils seraient à présent 19 couples dans les Alpes françaises et une soixantaine sur l'ensemble de l'arc alpin. Une population qui reste largement inférieure à celle des pyrénées d'où le gypaète n'a jamais disparu. 150 couples seraient recensés dans le massif entre la France et l'Espagne.
Sunny sera suivi par GPS
Si les poussins sont déjà assez peu nombreux, l'espèce est également menacée par l'activité de l'homme. Les collisions avec des câbles électriques ou ceux des remontées mécaniques sont parmi les causes les plus fréquentes de décès, souligne Anne-Laurence Mazenq. Les parapentistes ou encore les grimpeurs dérangent aussi les rapaces et les forcent parfois à déménager.
Sunny sera suivi grâce à un GPS, que le Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie a réussi à accrocher sur le rapace. Le rapace est équipé d'un baudrier sur lequel est fixé le GPS. L'appareil est alimenté par un panneau solaire. Localisation, température, et même accéléromètre pour détailler ses activités, tout cela devrait permettre de "recevoir des données pendant plusieurs années", espère Etienne Marlé.
Surnommé le "nettoyeur des alpages", le gypaète appartient à la famille des vautours. Charognard, il mange les bouquetins, les marmottes ou encore les moutons morts dans les montagnes. Il nettoie les alpages et évite par exemple la pollution des cours d'eau par les cadavres en décomposition. Sa protection est importante, rappelle le Conservatoire, qui insiste : "quand on le protège, on protège tout l'écosystème".