C’est un oiseau que l’on n’oublie pas, quand on voit se déployer dans le ciel son immense silhouette. Le 31 mars, un gypaète barbu équipé d’un GPS s’est offert un sacré voyage de plusieurs centaines de kilomètres, survolant pour la première fois le Jura.
Quand le vautour des Alpes déploie ses immenses ailes
Comme un ado. Gypsy, jeune gypaète barbu de 4 ans s’est offert une belle sortie. Sans attestation. Et bien au-delà des 10 km de son nid ! Pour la première fois, son passage a été enregistré au-dessus du Jura, terre des lynx et loups. Aucun oeil humain n’a signalé son survol. Mais le GPS a parlé !
ASTERS Gypaète, conservatoire des espaces naturels de Haute-Savoie relate son vol ce jour là : “Après avoir passé quelques jours vers les Cornettes de Bises, près de la Chapelle d’Abondance, Gypsy né à Magland (Haute-Savoie) en 2017 à traversé le département pour rendre visite à la Réserve naturelle nationale de la Haute Chaîne du Jura puis survolé Genève avant de se poser à proximité de Bonneville.”
Etienne Marle, chargé de projet faune à Asters CEN 74 connaît bien le rapace. Gypsy a été équipé en milieu naturel d’une balise GPS par le centre. “Il est dans une phase d’erratisme, c’est un ado ! On espère qu’il s’installera quelque part. Au printemps, quand il y a de belles journées, un gypaète peut aller très loin, ils peuvent se déplacer 200 à 300 km…. les parapentistes sont toujours impressionnés par les gypaètes, par la faculté de l’oiseau à prendre les courants d’air chaud” raconte-t-il.
2,80 mètres d’envergure, un rapace baptisé le nettoyeur des montagnes
Seul le condor des Andes, fait mieux côté toise. Le gypaète barbu est un oiseau impressionnant par sa taille, 2,80 mètres d’envergure en plein vol. Sa silhouette est noire et marron, sa barbe noire et son bec puissant. Le gypaète adulte pèse 5 à 7 kilos. “C’est un charognard pur, il n’attaque pas les animaux vivants, il termine les restes. Il est à la fin de la chaîne alimentaire, après les vautours, le grand corbeau, le sanglier ou le renard” explique Etienne Marle. “Il mange les os, les tendons, il n’a pas de concurrence” ajoute-t-il. Pour casser les os, le rapace le fait tomber en vol pour se régaler ensuite des débris et de la moelle qui se trouve à l’intérieur.
Un rapace encore fragile dans l’arc alpin
Asters CEN 74 est chargé de coordonner les actions de conservation du gypaète barbu sur toute les Alpes, en collaboration avec le parc de la Vanoise, ou celui du Mercantour. Un plan national d’action est mis en place. “Aujourd’hui, on a 18 couples de gypaètes barbus dans les Alpes françaises, une cinquantaine sur tout l’arc alpin, 40 couples environ dans les Pyrénées” détaille Etienne Marle. Dans les Alpes, mi-février, 17 pontes avaient été détectées.
Au début du XXe siècle, le gypaète avait disparu des Alpes, complètement. Eradiqué. “On avait peur du gypaète, on pensait qu’il attaquait les humains et les bêtes”. Cette espèce de la famille des vautours a fait l’objet d’un programme de réintroduction dans les années 80. En 1997, la première naissance en milieu naturel est observée en France. “Dans les Alpes aujourd’hui, ça va mieux, mais on est encore sur des populations faibles” analyse Etienne Marle.
Le gypaète barbu, s’il plane comme un roi dans le ciel, peut parfois perdre la vie. En percutant les câbles électriques ou des remontées mécaniques. Il meurt également de problèmes alimentaires en ingurgitant des restes d’un animal empoisonné. Le gypaète est parfois atteint de saturnisme, quand il consomme des proies où se trouvent des plombs de chasse. L’oiseau peut souffrir aussi du dérangement. Il se reproduit de novembre-décembre à juillet. En cas de dérangement, les parents gypaètes peuvent abandonner les oiseaux dans le nid, les condamnant à une mort certaine.
Les jeunes gypaètes barbus équipés de GPS par l’homme… dans leur nid
Pour suivre au mieux l’évolution du rapace, Asters CEN 74 intervient directement en montagne. Pour équiper les jeunes poussins de colliers GPS. “On va intervenir dans des conditions bien précises, quand le poussin est assez grand. On crée un dérangement certes, les parents s’envolent momentanément, le poussin n’est pas encore en capacité de voler” précise Etienne Marle. Dans le massif des Aravis, l’opération nécessite une bonne connaissance des lieux et des moyens de montagne ou d’escalade. Une dizaine d’oiseaux sont actuellement équipés. La batterie dure deux à trois ans.
Tous les oiseaux réintroduits en France, Suisse ou Italie sont eux aussi équipés. “Cela permet de mieux connaître leur déplacement, pour mieux cibler les actions de conservation” conclut Etienne Marle. L’objectif à terme est de reconnecter les territoires de tous les gypaètes barbus, dont la population a été segmentée au fil des siècles.
Asters accueille l’unique centre d’élevage français de Gypaètes barbus avec une capacité d’accueil de 4 couples. Les accouplements ont commencé. Une caméra a été installée pour suivre la volière.
A l’heure où nous écrivons cet article, Gypsy lui avait encore bougé. Il était au-dessus du Valais Suisse. Il deviendra adulte vers l’âge de 7 ans et fondera alors, si tout va bien une famille, en se fixant sur un territoire. Le gypaète barbu niche en haute montagne, dans les parois rocheuses, entre 700 et 3 000 m d’altitude. Ouvrez l'oeil... sans le déranger !