TEMOIGNAGE. Mouhsine Sbiti n'arrive pas à oublier cette journée du 21 juillet où deux enfants ont été sauvés d'un incendie dans le quartier de la Villeneuve à Grenoble. Le trentenaire est l'un de ces "héros" qui ont réceptionné les jeunes garçons, leur permettant d'échapper aux flammes.
Des souvenirs toujours difficiles à chasser, trois semaines après l'incendie de la Villeneuve à Grenoble. Mardi 21 juillet, Mouhsine Sbiti se rend devant le 54 galerie de l'Arlequin, alerté par les cris d'une habitante. Il y voit des flammes s'échapper d'un appartement du 3e étage et deux enfants pris au piège sur le balcon.
"Ce sont des images que je n'arrive pas à oublier", confie le trentenaire qui vivait dans le quartier depuis un petit peu plus d'un mois quand l'"incident" s'est produit. Il rejoint un groupe d'habitants massé en bas de l'immeuble. Certains ont déjà essayé d'enfoncer la porte de l'appartement, en vain. Tous se résignent : il va falloir demander aux deux jeunes garçons de sauter et les réceptionner une quinzaine de mètres plus bas. "On n'avait pas beaucoup de temps pour penser, c'était une réaction instinctive (...) On savait que les flammes allaient bientôt arriver", ajoute Mouhsine.
"L'aîné a été vraiment courageux, se rappelle-t-il. On l'a appelé par son prénom pour le mettre en confiance. Il a maintenu son petit frère dans le vide pendant peut-être dix secondes, il nous a bien regardé pour être sûr qu'on allait le rattraper, puis il l'a laissé tomber." Quelques secondes après avoir sauvé son frère de 3 ans, Sofiane, 10 ans, a sauté dans le vide depuis le balcon. Une dizaine de minutes plus tard, les sapeurs-pompiers arrivaient sur les lieux. "Si on avait attendu, ils auraient été asphyxiés à cause des fumées ou les flammes seraient arrivées jusqu'à la fenêtre", selon Mouhsine.
"Tout oublier"
Plusieurs habitants ont été blessés en réceptionnant l'aîné, mais les deux enfants s'en sortent indemnes. Juste après le choc, Mouhsine est "resté par terre à pleurer" pendant de longues minutes, envahi par la douleur et la peur de perdre son bras. Transporté vers l'hôpital, il apprend qu'il souffre d'une fracture du radius. Il lui faudra encore plusieurs mois avant de retrouver l'usage de son bras. "Quand il y a deux vies en jeu, une fracture du poignet, ce n'est vraiment pas grand chose", estime celui qui est désormais connu comme l'un des héros de la Villeneuve. Six habitants qui font la fierté du quartier et ont reçu la médaille de la Ville de Grenoble pour saluer leur geste.
"Trois semaines après, j'évite toujours de passer devant l'immeuble", raconte Mouhsine qui "essaye de tout oublier" de cette journée. Arrivé en France mi-juin dans le cadre du regroupement familial, le Marocain pense aujourd'hui à déménager pour "recommencer autre chose", peut-être en dehors de Grenoble. "On ne peut pas nier qu'il y a des problèmes à la Villeneuve, concède-t-il. Mais une grande partie des personnes ont des valeurs humaines, des valeurs d'entraide, même s'il y a des problèmes avec une petite partie des gens."
Celui qui a exercé à la gendarmerie royale marocaine, puis à l'Agence japonaise de coopération internationale se concentre aujourd'hui sur son rétablissement. Il se laisse quelques mois, le temps de rééduquer son poignet et se relever de cette expérience "traumatisante". Après quoi il pourra se concentrer sur ses projets laissés de côté par la force des choses.